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Réforme de la Loi sur la concurrence du Canada : première série de modifications importantes

05 mai 2022

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Écrit par Beth Riley, Alysha Pannu, Christina Skinner, Randy Hughes, Melanie Aitken and Emrys Davis

Le 26 avril 2022, le gouvernement du Canada a annoncé des modifications proposées à la Loi sur la concurrence dans le cadre de la Loi de 2022 sur la Budget Implementation Act, 2022. Ces modifications proposées constituent probablement la première étape du plan annoncé par le gouvernement fédéral de mener une réforme complète de la Loi sur la concurrence afin d’améliorer son efficacité à promouvoir des marchés dynamiques et équitables, en particulier à la lumière des défis de l’économie moderne. 1

Les modifications proposées élargiraient considérablement la portée de la Loi sur la concurrence, une mesure qui s’inscrit dans la tendance mondiale vers des sanctions plus sévères et une application accrue des lois sur la concurrence et les lois antitrust. Les modifications reflètent en partie les efforts déployés pour répondre aux exigences de l’économie numérique moderne et pour renforcer l’application de la Loi sur la concurrence. Jusqu’à présent, les modifications proposées ne répondent pas à toutes les préoccupations soulevées par le gouvernement, le Bureau de la concurrence et les intervenants, et nous nous attendons à d’autres examens, consultations et modifications à la Loi sur la concurrence.

Voici un résumé des principales modifications proposées à la Loi sur la concurrence.

Résumé des principales modifications proposées

Accords de non-braconnage et de fixation des salaires par les employeurs criminalisés

Contrairement aux lois antitrust américaines, les dispositions canadiennes sur les complots criminels n’interdisent pas les ententes d’achat entre entreprises, y compris les ententes entre employeurs non affiliés en ce qui concerne le traitement des employés. Au contraire, ces ententes d’achat sont actuellement examinées en vertu des dispositions de la Loi sur la concurrence qui peuvent faire l’objet d’un contrôle civil; une violation de ces dispositions exige la preuve d’une diminution substantielle ou d’une prévention de la concurrence.

Les modifications proposées feraient des ententes de non-braconnage et de fixation des salaires entre des employeurs non affiliés en soi des infractions criminelles, mais ne criminaliseraient pas d’autres ententes d’achat, qui continueraient d’être examinées en vertu des dispositions de la Loi sur la concurrence qui peuvent faire l’objet d’un contrôle civil. Les accords de non-braconnage sont des accords entre employeurs visant à ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre. Les accords de fixation des salaires sont des accords entre employeurs visant à fixer, maintenir, diminuer ou contrôler les salaires, traitements ou autres conditions d’emploi. Il est important de noter que ces ententes sont présumées nuire à la concurrence et, par conséquent, qu’elles constitueraient en soi des infractions criminelles, de sorte que la poursuite n’aurait pas besoin d’établir qu’il y avait un préjudice à la concurrence pour obtenir une condamnation, et que l’intention des employeurs — par exemple, de réduire les coûts ou de réaliser des gains d’efficience — ne constituerait pas un moyen de défense. Voici des exemples de comportements qui ont soulevé des préoccupations en vertu de dispositions criminelles semblables des États-Unis : les ententes entre entreprises visant à ne pas « appeler à froid » ou à n’embaucher pas les employés actuels de l’autre, et les ententes visant à boycotter un registre de professionnels afin d’éliminer la concurrence entre les acheteurs de ces services professionnels.

De plus, à l’inscrimination des dispositions existantes en matière de complot criminel, les tribunaux seraient en mesure de déduire des accords de non-braconnage et de fixation des salaires à partir de preuves circonstancielles, avec ou sans preuve directe de communication entre les employeurs. Par exemple, l’échange de renseignements sensibles sur le plan de la concurrence concernant les employés entre les employeurs peut soulever des préoccupations en vertu des modifications proposées. Dans la mesure où les employeurs souhaitent échanger des renseignements sensibles sur le plan de la concurrence à des fins légitimes (c.-à-d. dans le cadre d’une opération de fusion), les parties doivent s’assurer que des protocoles appropriés sont mis en œuvre pour protéger ces renseignements et pour éviter les allégations de complot criminel du côté de l’achat. Contrairement aux dispositions existantes en matière de complot qui se rapportent aux accords du côté de l’offre (comme la vente ou la fourniture de produits), il n’est pas nécessaire de conclure des ententes de non-braconnage et de fixation des salaires entre concurrents ou concurrents potentiels.

Les modifications comprennent deux moyens de défense contre les condamnations d’accords criminels d’achat entre employeurs : (i) la défense fondée sur les restrictions accessoires, lorsque l’accord est accessoire à un accord plus large (comme une coentreprise proconcurrentielle ou une entente de fusion qui n’est pas anticoncurrentielle) et que l’accord est directement lié à l’objectif de l’accord plus large et raisonnablement nécessaire pour y donner effet; et ii) l’accord fait l’objet d’une défense fondée sur la conduite réglementée (c.-à-d. : requis ou autorisé en vertu des lois fédérales ou provinciales).

Avec ces modifications, le traitement des accords de non-braconnage et de fixation des salaires par la Loi sur la concurrence serait plus étroitement aligné sur la politique actuelle des États-Unis en matière d’application de la législation antitrust. Au cours des dernières années, le département de la Justice des États-Unis et la Federal Trade Commission se sont de plus en plus efforcés d’appliquer des accords d’achat criminels, le tout dans le but de promouvoir la concurrence sur les marchés du travail et de l’emploi.

Les dispositions pénales proposées de non-braconnage et de fixation des salaires entreraient en vigueur un an après la sanction royale des modifications à l’été 2022. Ce report de la date d’entrée en vigueur donnerait aux employeurs le temps d’évaluer leurs accords d’achat directs et indirects afin d’évaluer la légalité de tels arrangements et, si nécessaire, de modifier ces arrangements afin de ne pas déclencher de responsabilité pénale.

Augmentation des pénalités financières

Les modifications proposées augmentent également les amendes disponibles pour les condamnations pour complot criminel et les sanctions administratives pécuniaires (SAP) pour les affaires civiles pouvant faire l’affaire (c.-à-d. les pratiques commerciales trompeuses et l’abus de position dominante), comme suit :

Publicité fausse et trompeuse — Prix au goutte-à-goutte explicitement interdit

Les modifications proposées reconnaîtraient explicitement la « tarification au goutte-à-goutte » comme une conduite anticoncurrentielle interdite en vertu des dispositions criminelles et civiles sur la publicité fausse et trompeuse. Le prix au goutte-à-goutte est la pratique d’offrir ou de faire de la publicité (c.-à-d. faire des représentations) des prix de gros titres inaccessibles pour attirer les consommateurs tout en ajoutant ou en enterrant des frais ou des frais obligatoires fixes supplémentaires dans le prix final, rendant le prix global initial inaccessible. Ces modifications permettraient d’harmoniser la récente approche d’application de la loi du Bureau avec les pratiques de tarification au goutte-à-goutte en vertu des dispositions existantes sur la publicité fausse et trompeuse, et sans doute de permettre au Bureau de contester plus facilement les prix au goutte-à-goutte.

Abus de position dominante : Accorder le droit privé d’accès au Tribunal et élargir la définition de la conduite anticoncurrentielle

Les modifications proposées permettraient aux parties privées qui sont considérablement touchées par le comportement anticoncurrentiel allégué d’une entreprise dominante, si le Tribunal leur accorde l’autorisation d’intenter des actions devant le Tribunal en vue d’obtenir une ordonnance en vertu des dispositions relatives à l’abus de position dominante. À l’heure actuelle, seul le commissaire de la concurrence (le commissaire) peut présenter une demande au Tribunal en vertu des dispositions relatives à l’abus de position dominante. Ces modifications visent à accroître l'« exécution » de l’abus de position dominante en complétant les contestations du commissaire, surtout à la lumière de la modification proposée selon laquelle le Tribunal ne peut pas inférence du fait que le commissaire a ou n’a pris aucune mesure à l’égard de l’affaire. Toutefois, il semble que, telles qu’elles sont actuellement conçues, les modifications ne prévoient pas la possibilité que les demandeurs privés reçoivent une compensation financière (c.-à-d. des dommages-intérêts) dans l’éventualité où le Tribunal rendait une ordonnance contre l’entreprise dominante, étant donné que les SAP sont des sanctions pécuniaires payables au gouvernement, et non au demandeur, et que les coûts d’une demande devant le Tribunal ne sont pas négligeables.

Les modifications proposées aux dispositions relatives à l’abus de position dominante sont également les suivantes : (i) élargir la définition de « comportement anticoncurrentiel » au-delà de la conduite visant à avoir une incidence négative sur un concurrent qui est prédateur, exclusif ou disciplinaire pour inclure toute conduite visant à avoir un effet préjudiciable sur la concurrence; (ii) élargir les exemples (non exhaustifs) de comportement anticoncurrentiel afin d’inclure explicitement une réponse sélective ou discriminatoire d’une entreprise dominante à un concurrent réel ou potentiel dans le but d’entraver ou d’empêcher l’entrée ou l’expansion sur un marché ou d’éliminer un concurrent d’un marché; et iii) codifier la capacité du Tribunal de tenir compte de l’effet de la pratique sur les obstacles à l’entrée (y compris les effets de réseau), sur la concurrence par les prix et les non-prix (y compris la qualité, le choix et la vie privée des consommateurs), la nature et l’étendue du changement et de l’innovation sur le marché pertinent.

Fusions et collaborations avec des concurrents non criminels — Autres facteurs à prendre en considération

Les modifications proposées énoncent d’autres facteurs que le Tribunal pourrait prendre en considération dans le contexte des fusions et des collaborations entre concurrents susceptibles d’examen civil afin de déterminer s’il y a une prévention, une diminution ou une concurrence importante. Ces facteurs supplémentaires semblent être une tentative de reconnaître ou de moderniser les facteurs du monde numérique et comprennent : les effets de réseau, l’incidence sur la concurrence non liée aux prix (comme la qualité, le choix et la protection de la vie privée des consommateurs) et la question de savoir si une entente de fusion ou de collaboration avec les concurrents contribuerait à l’enracinement de la position sur le marché des titulaires de premier plan.

Nouvelle règle anti-évitement pour la notification de fusion

Les modifications proposées comprennent une nouvelle disposition anti-évitement qui élargirait le régime d’avis préalable à la fusion pour inclure les structures d’opérations conçues pour éviter l’application des dispositions de notification de la Loi sur la concurrence.

Prochaines étapes

Comme il a été mentionné précédemment, le gouvernement fédéral a entrepris un processus de réforme de la Loi sur la concurrence dans le but déclaré d’en améliorer l’efficacité pour relever les défis perçus de l’économie numérique moderne. Jusqu’à présent, les modifications proposées sont fragmentaires et ne traitent pas de toutes les questions concernant le régime de la Loi sur la concurrence qui ont été identifiées par le gouvernement comme méritant une action, ou celles préconisées par le Bureau et divers intervenants. De plus, les modifications proposées actuellement sont présentées de façon sommaire, ce qui évite probablement l’avantage de la finalisation du processus d’examen du gouvernement annoncée en février 2022 et ne bénéficiera probablement pas d’un débat et d’un examen minutieux étant donné qu’elles sont présentées dans la Loi omnibus d’exécution du budget de 2022. À un moment donné dans l’avenir, une fois que la série complète de modifications sera proposée , en supposant que le gouvernement voit à travers le processus d’examen annoncé , nous connaîtrons tous les effets.

Les modifications proposées (et certainement celles qui sont poussées par le Bureau et d’autres) sont complexes et pourraient avoir une incidence importante sur la conduite des entreprises qui font des affaires au Canada. La conduite qui est actuellement permise en vertu de la Loi sur la concurrence peut devenir criminelle ou faire l’objet d’un contrôle civil, entre autres changements. Par conséquent, les entreprises devront évaluer leurs activités et leurs plans d’affaires pour comprendre l’incidence des modifications sur leurs activités, y compris, par exemple, examiner les ententes avec des entités non affiliées à l’égard des employés pour s’assurer qu’elles sont conformes aux nouvelles dispositions criminelles du côté achat, évaluer l’incidence d’une application et de sanctions potentiellement accrues; et l’évaluation de l’incidence des dispositions anti-évitement lors de la structuration des opérations de fusion.

Pour comprendre comment les modifications proposées peuvent avoir une incidence sur les entreprises ou pour répondre à toute question concernant les modifications proposées, veuillez communiquer avec les auteurs ou d’autres membres du Bennett Jones Competition Antitrust Group.


1 L’élan du gouvernement en faveur de la réforme de la Loi sur la concurrence est mis en évidence par l’honorable Howard Wetston du 27 octobre 2021 Consultation Invitation - Examen de la Loi sur la concurrence canadienne à l’ère numérique, le 7 février 2022 annonncement par l’honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, d’entreprendre un examen exhaustif de la Loi sur la concurrence et du Bureau de la concurrence le 8 février 2022 soumission au gouvernement fédéral Examen de la Loi sur la concurrence du Canada à l’ère numérique, avec d’importantes recommandations pour renforcer la Loi sur la concurrence, et le 23 février 2021 résolution du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (INDU) de la Chambre des communes pour étudier la compétitivité au Canada, y compris la réforme de la Loi sur la concurrence.

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