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Langage contractuel clair et explicite requis pour imposer l’arbitrage à des tiers bénéficiaires

20 décembre 2024

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Écrit par David Wahl, Vasilis Pappas, Chris Petrucci, Artem Barsukov, Siobain Quinton et Valeria Palacio

La Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Husky Oil Operations Limited v Technip Stone & Webster Process Technology Inc, 2024 ABCA 369 a récemment statué que les parties qui tentent d’imposer une exigence d’arbitrage aux tiers bénéficiaires d’un contrat qui contient une clause d’arbitrage doivent rendre l’obligation d’arbitrage claire et explicite dans le contrat.

Les faits

Husky Oil Operations Limited (propriétaire) a retenu les services d’un entrepreneur général (entrepreneur) pour entreprendre un projet de construction (projet). Par la suite, l’entrepreneur a retenu les services d’un sous-traitant (sous-traitant) pour entreprendre certains travaux sur le projet en vertu d’une entente de sous-traitance entre l’entrepreneur et le sous-traitant (sous-traitant). Le propriétaire n’était pas partie au contrat de sous-traitance.

Toutefois, le contrat de sous-traitance prévoyait que toutes les garanties données par le sous-traitant étaient étendues au propriétaire. Le contrat de sous-traitance indiquait expressément que « [l]es garanties données par [le sous-traitant] seront données au profit de [l’entrepreneur] et [du propriétaire] et les garanties peuvent être appliquées par [l’entrepreneur] ou le [propriétaire] », faisant ainsi du propriétaire un tiers bénéficiaire des garanties fournies par le sous-traitant dans le sous-traitant.

Le contrat de sous-traitance contenait également une disposition relative au règlement des différends, qui prévoyait que « [l]es litiges découlant du présent [contrat de sous-traitance] ou s’y rapportant seront définitivement réglés conformément au Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitres nommés conformément audit Règlement ».

Après l’exécution du contrat de sous-traitance, un problème s’est posé au sujet du projet, et le propriétaire a cherché à faire valoir ses droits de garantie contre le sous-traitant en vertu du contrat de sous-traitance en tant que tiers bénéficiaire. Toutefois, plutôt que de le faire par voie d’arbitrage conformément à la disposition de règlement des différends du contrat de sous-traitance, le propriétaire a plutôt intenté une poursuite contre le sous-traitant devant la Cour du Banc du Roi de l’Alberta.

Le propriétaire a intenté une action pour violation de garanties et négligence, faisant valoir qu’il n’était pas lié par la clause compromissoire du contrat de sous-traitance parce qu’il n’était pas signataire. Le sous-traitant a convenu que le propriétaire avait un droit de garantie en vertu du contrat de sous-traitance, mais n’était pas d’accord pour dire que le propriétaire pouvait faire respecter ce droit sans le faire par voie d’arbitrage, comme le stipule le contrat de sous-traitance.

Les décisions ci-dessous

Au départ, le juge de première instance s’est rangé du côté du propriétaire, concluant que la disposition d’arbitrage du contrat de sous-traitance ne s’appliquait qu’aux différends entre l’entrepreneur et le sous-traitant, et permettait au propriétaire de présenter toutes ses réclamations devant les tribunaux.

Toutefois, en appel, un juge de la Cour du banc du roi de l’Alberta est arrivé à la conclusion contraire. La Cour a conclu que le propriétaire était lié par la disposition d’arbitrage et a radié les réclamations fondées sur la garantie du propriétaire, mais a permis à ses réclamations pour négligence d’aller de l’avant devant les tribunaux.

La décision de la Cour d’appel de l’Alberta

Le propriétaire a interjeté appel de la radiation de ses réclamations au titre de la garantie et le sous-traitant a interjeté un appel incident, soutenant que les réclamations pour négligence doivent également être faites par arbitrage et que ces réclamations auraient également dû être radiés. La Cour d’appel de l’Alberta s’est rangée du côté du propriétaire et a rejeté l’appel incident, infirmant la décision de la Cour du Banc du Roi et permettant aux réclamations du propriétaire d’aller de l’avant devant les tribunaux.  

Nature consensuelle de l’arbitrage

Comme point de départ de son analyse, la Cour d’appel a souligné que l’arbitrage est une créature du consentement. Sauf lorsque l’arbitrage est mandaté par la loi, la Loi sur l’arbitrage, RSA 2000, c A-43 exige expressément qu’il y ait une convention d’arbitrage par laquelle deux personnes ou plus acceptent de soumettre une question en litige à l’arbitrage.

Pouvoir de la Cour de trancher la question

Comme nous en avons discuté dans l’un de nos articles de blog précédents, Alberta Court articule des exceptions importantes au principe kompetenz-kompetenz et à la portée des clauses d’arbitrage, habituellement, la question de savoir si une convention d’arbitrage s’applique à un différend particulier, ou, en d’autres termes, si un tribunal arbitral a compétence pour entendre le différend est déterminé par le tribunal arbitral lui-même, conformément au principe dit kompetenz-kompetenz. En l’espèce, la Cour d’appel a conclu qu’il était approprié que les tribunaux tranchent la question de compétence, nonobstant le principe kompetenz-kompetenz, parce que les conclusions juridiques nécessaires pouvaient être tirées des faits non contestés. Ce faisant, la Cour d’appel a suivi les exceptions établies par la Cour suprême du Canada dans les affaires Peace River Hydro Partners c Petrowest Corp, 2022 CSC 41, Uber Technologies Inc c Heller, 2020 CSC 16, et Seidel c TELUS Communications Inc, 2011 CSC 15.

Lien contractuel et obligations imposées

Le propriétaire n’était pas signataire du contrat de sous-traitance. La Cour d’appel a noté que, bien qu’il soit possible pour un tiers lié à un contrat de devenir lié par le contrat par l’effet de la loi, la Cour suprême a récemment déclaré que « tous les non-signataires, qu’ils soient des mandataires, des syndics de faillite, des séquestres ou des cessionnaires, ne peuvent réclamer que par l’intermédiaire ou sous l’autorité d’un signataire, s’ils se mettent à sa place contractuelle ». Dans ce cas, le propriétaire n’a pas réclamé par l’intermédiaire ou sous l’un ou l’autre des signataires. Au lieu de cela, il a réclamé directement en vertu des termes du contrat de sous-traitance qui lui a expressément étendu le bénéfice de certaines garanties.

En vertu de la doctrine du lien contractuel, un contrat ne peut généralement pas conférer des droits ou imposer des obligations à quiconque, à l’exception des parties à celui-ci. La Cour d’appel a souligné que la doctrine du lien contractuel peut être assouplie lorsque les non-parties cherchent à s’appuyer sur des dispositions contractuelles qui sont prises à leur avantage. Le fondement de l’exception fondée sur des principes est la stipulation expresse ou implicite des parties contractantes que le bénéfice de la clause sera également partagé par l’État partie. D’autre part, la Cour d’appel a souligné que la loi a peu d’intérêt, en dehors du droit de la responsabilité délictuelle, à imposer des obligations à ceux qui ne les ont pas acceptées.

En l’espèce, le sous-traitant a fait valoir que l’avantage conféré par la garantie conféré au propriétaire en vertu de la sous-traitance en vertu de l’exception de principe au lien contractuel était censé être subordonné par les parties contractantes à l’obligation d’arbitrage.

La Cour d’appel n’était pas d’accord. La Cour a statué que pour lier un tiers, une obligation, telle que l’obligation d’arbitrer, doit être exprimée dans un langage clair et explicite. Ce n’était pas le cas dans le contrat de sous-traitance.

Il ne suffit pas de s’appuyer sur les principes d’interprétation contractuelle pour établir l’existence d’une obligation qui lie des tiers. Cela est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, le tiers (c.-à-d. le propriétaire) n’était pas impliqué dans les négociations et n’était donc pas au courant des circonstances connues des parties ou des intentions des parties au moment de la formation du contrat. En outre, cela est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, l’obligation d’arbitrage a eu pour effet de priver le propriétaire de sa capacité d’accéder aux tribunaux.

Principaux points à retenir

L’arbitrage est une créature du consentement. Toute partie qui cherche à faire exécuter une clause compromissoire contre un tiers bénéficiaire d’un contrat doit veiller à ce que l’exigence pour les tiers bénéficiaires d’arbitrer est énoncée dans un langage clair et explicite dans le contrat. L’exception de principe au lien contractuel permet aux parties de conférer un avantage à une personne qui est étrangère à leur contrat. Toutefois, si les parties souhaitent conférer un avantage admissible, elles doivent utiliser un langage explicite et clair pour le faire.

Cette affaire renforce l’importance d’obtenir l’avis d’un expert lorsqu’il s’agit de déterminer l’instance appropriée pour faire respecter un droit. Le fait d’intenter un litige lorsque l’arbitrage est le forum approprié peut entraîner l’expiration d’une demande par ailleurs fondée lorsqu’un délai de prescription expire avant le début d’un arbitrage. Enfin, cette affaire renforce également l’importance de rédiger des clauses d’arbitrage solides dont la portée est claire et sans ambiguïté.

Pour discuter de votre cas spécifique et pour recevoir des conseils sur mesure sur le forum approprié pour faire respecter un droit contractuel d’un tiers, ou pour élaborer une clause d’arbitrage robuste, veuillez contacter le groupe d’arbitrage international Bennett Jones International Arbitration group.

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