La réélection du président Trump marque le retour d’une ère de perturbations et de volatilité des échanges commerciaux ayant pour cause les tarifs d’importation américains sur les produits en provenance du Canada et d’autres pays. Après des semaines de spéculations, le président Trump devait dévoiler de nouveaux tarifs ou d’autres mesures de restriction du commerce dès son investiture le 20 janvier 2025 ou dans les jours suivants. Dans le cadre d’une démarche coordonnée avec les gouvernements provinciaux faisant de la défense des intérêts du pays sa priorité, le gouvernement du Canada se dit prêt à exercer des représailles tarifaires sur les importations américaines et étudie des moyens supplémentaires et nouveaux de répondre aux mesures américaines attendues. L’annonce de la réponse canadienne ne devrait pas tarder une fois que les mesures américaines seront connues.
Bien que personne de part et d’autre de la frontière ne sache encore exactement quels produits seront touchés par les tarifs ou les mesures restrictives, ce billet se veut un rappel des leçons tirées en général des derniers différends tarifaires entre les États-Unis et le Canada et propose des mesures concrètes que les importateurs et les exportateurs canadiens pourraient tout de suite prendre pour gérer les risques commerciaux et réglementaires.
Consultez notre trousse de diagnostic pour se préparer aux changements tarifaires (en anglais) conçue pour aider les entreprises à évaluer si elles sont prêtes pour les tarifs et les autres mesures commerciales qui s’annoncent.
De 2018 à 2019, les États-Unis ont imposé des tarifs sur diverses exportations canadiennes, déclenchant des mesures de rétorsion du gouvernement canadien. Pour nombre d’entreprises, l’imposition soudaine de tarifs a tiré la sonnette d’alarme, soulignant l’importance d’une meilleure visibilité de la chaîne d’approvisionnement, de plus de précision dans le libellé des contrats et d’une gestion stratégique des stocks.
Pour en savoir plus sur le différend commercial entre le Canada et les États-Unis de 2018 à 2019, consultez nos précédents articles de blogue :
Le gouvernement canadien a exprimé son intention d’imposer des surtaxes de rétorsion à l’importation sur les exportations américaines vers le Canada. La possibilité d’imposer des restrictions quantitatives et/ou des surtaxes à l’exportation sur des produits canadiens qui revêtent une importance stratégique pour les États-Unis est maintenant également envisagée. Par le passé, les représailles du Canada visaient surtout les produits et les biens de consommation provenant de districts électoraux clés du Congrès américain. Les importateurs de produits de ces districts devraient se préparer à des hausses des tarifs. Cette fois-ci, la possibilité d’utiliser les ressources énergétiques et les minéraux critiques du Canada comme moyen de pression sur le plan des exportations a aussi été évoquée, bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité au sein de la classe politique nationale.
Avant d’appliquer des contre-mesures, les autorités canadiennes peuvent (mais n’y sont pas tenues) tenir des consultations publiques. Une consultation sur de nouvelles mesures tarifaires ou surtaxes porterait normalement sur une liste préliminaire de produits visés par les tarifs proposés et un calendrier de leur entrée en vigueur. Les entreprises doivent être attentives aux annonces officielles, en particulier les avis de consultation publiés par Affaires mondiales Canada et le ministère des Finances, et se préparer à soumettre des commentaires témoignant des possibles répercussions commerciales ou des préoccupations liées à la chaîne d’approvisionnement pour les entreprises canadiennes. De telles consultations, le cas échéant, se dérouleraient sur une courte période. Avant d’imposer une surtaxe de rétorsion sur l’acier, l’aluminium et d’autres produits américains en 2018, les consultations tenues par le gouvernement n’avaient duré que deux semaines.
Comme en 2018, le Canada pourrait accorder des exemptions ou des remises limitées aux entreprises canadiennes si les contre-mesures font peser un tort disproportionné à l’industrie canadienne ou aux chaînes d’approvisionnement essentielles. Par exemple, les produits importés en vertu de contrats conclus avant une certaine date peuvent bénéficier d’exemptions tarifaires. Le processus de remise récemment mis en place à la suite des surtaxes imposées sur les importations de véhicules électriques et de produits de l’acier et de l’aluminium en provenance de la Chine sert d’exemple utile. En effet, des exemptions sont prévues pour des produits qui ne peuvent pas être obtenus sur le marché intérieur, qui relèvent de contrats préexistants, ou dont les caractéristiques exceptionnelles ont une incidence sur l’économie. Des critères semblables et un processus de demande de remise rigoureux s’appliqueraient probablement à toute nouvelle contre-mesure. Les importateurs devront rassembler des preuves et démontrer de manière concluante pourquoi une remise est justifiée.
Les mesures de restriction du commerce peuvent perturber les chaînes d’approvisionnement, provoquer une hausse des coûts, réduire la demande et nuire à la rentabilité des exportateurs et des importateurs. Une planification adéquate est donc indispensable pour réduire ces risques au minimum. Voici des stratégies clés que les entreprises canadiennes devraient garder à l’esprit pour s’adapter à la conjoncture.
Les importateurs et les exportateurs canadiens doivent s’assurer que leurs contrats sont libellés de sorte à composer avec les changements soudains de la politique commerciale, dont l’imposition de tarifs nouveaux ou accrus et d’autres mesures commerciales, surtout pour les produits avec des délais d’approvisionnement plus longs. Vérifiez si vos contrats incluent des clauses sur les éléments suivants :
En plus de ces clauses, pensez à inclure des dispositions plus générales sur les cas de force majeure ou les changements de lois qui tiennent compte des changements réglementaires soudains. Pour en savoir plus sur l’interprétation et l’application des clauses de force majeure, consultez notre article intitulé Les clauses de force majeure et les répercussions de la pandémie de COVID-19 – Une évaluation des jugements de l’Ontario trois ans plus tard (24 mars 2023). Un contrat bien libellé permet aux importateurs et aux exportateurs de s’adapter rapidement à l’évolution du contexte commercial, surtout en période d’incertitude accrue.
Enfin, la souscription d’une assurance crédit commercial pourrait offrir une protection contre le risque de non-paiement par les clients, à condition que la garantie s’applique aux cas de non-paiement imputables à une mesure réglementaire ou commerciale adoptée par un État.
Pour les entreprises canadiennes qui importent des États-Unis (et qui pourraient bientôt subir les effets des représailles tarifaires et d’autres mesures commerciales canadiennes), il existe plusieurs mécanismes dans le cadre des programmes de promotion du commerce qui peuvent réduire ou retarder le paiement des droits ou des taxes :
À noter que certains programmes d’allégement pourraient ne pas s’appliquer pour des surtaxes spéciales ou d’autres mesures commerciales restrictives, selon le type de mesure et l’autorité juridique compétente. Cela dit, les importateurs et les exportateurs gagneraient à examiner toutes les options qui s’offrent à eux pour ne laisser passer aucune possibilité d’allégement.
La résurgence de la menace tarifaire souligne l’importance d’une planification proactive et de mesures de conformité rigoureuses. En s’inspirant des enseignements tirés de l’expérience de 2018 à 2019, les entreprises canadiennes peuvent mieux anticiper les mesures américaines et s’adapter efficacement aux contre-mesures canadiennes. Qu’il s’agisse de diversifier la chaîne d’approvisionnement, d’adapter les contrats ou d’obtenir des allégements grâce à des programmes fiscaux et douaniers, il n’est jamais trop tard pour prendre des mesures en vue d’atténuer le risque de dommages à long terme.