Le gouvernement du Québec propose d'apporter de nombreux changements au paysage législatif et réglementaire régissant le secteur de l'énergie au Québec,1 notamment à la Loi sur la Régie de l'énergie et à la Loi sur Hydro-Québec (la LHQ).
Le Projet de loi 69 fera l'objet de consultations cet automne. Ceci constituera une occasion intéressante pour tous les intervenants du secteur de l'énergie au Québec de contribuer à la modernisation du cadre réglementaire.
Voici un aperçu des changements les plus importants introduits par le Projet de loi 69.
Le Québec veut être la première juridiction carboneutre en Amérique du Nord d'ici 2050. Pour y parvenir, le gouvernement estime que le Québec doit doubler sa production d'électricité actuelle au cours des 25 prochaines années. Or, selon le ministre Fitzgibbon, le secteur québécois de l'énergie n'est pas adapté pour relever ce défi. « Nous devons développer en 25 ans ce que le Québec a mis 100 ans à construire, et nos processus actuels sont beaucoup trop lents », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.
Par conséquent, le ministre propose, par le biais du Projet de loi 69, de moderniser le cadre réglementaire régissant le secteur de l'énergie afin d'outiller le Québec pour le rendre « plus agile pour accroître la production d'énergie propre ».
Le Projet de loi 69 modifie la mission d'Hydro-Québec en ajoutant, entre autres, l'obligation de « contribuer à la transition énergétique, favoriser une saine gestion de la consommation d’énergie et agir de manière à maximiser les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux au Québec ». Le ministre a dressé un parallèle entre Hydro-Québec et la Caisse de dépôt, affirmant que l'élargissement de la mission d'Hydro-Québec contribuera au développement économique de la province.
En vertu du Projet de loi 69, Hydro-Québec pourra désormais conclure des ententes bilatérales d'achat d'électricité dans le cadre de son rôle de distributeur d'électricité, sous réserve de l'obtention de l'autorisation de la Régie de l'énergie (la Régie). Les exceptions à l'obligation d'obtenir l'approbation de la Régie sont (i) en cas d'urgence, (ii) pour un contrat d'une durée de moins de 3 mois, (iii) lorsqu'un contrat est autorisé par le gouvernement et (iv) lorsqu'Hydro-Québec procède à l’adjudication d’un contrat d’approvisionnement en électricité de source renouvelable dans le cadre d’un appel d’offres public permettant d’assurer le traitement équitable et impartial des fournisseurs d’électricité y participant.
Le Projet de loi 69 relève le seuil à partir duquel le gouvernement peut louer de la puissance hydraulique de 50 (mégawatts) MW à 100 MW.
De plus, le Projet de loi 69 encourage la production privée en permettant la vente d'électricité provenant de sources renouvelables entre un producteur et un consommateur unique situé sur un terrain adjacent au site de production, sous réserve de l'approbation du gouvernement. Bien que la notion de terrain « adjacent » ne soit pas définie dans le Projet de loi 69, le communiqué de presse du gouvernement concernant le Projet de loi 69 indique que le changement proposé à l'autoproduction vise à offrir « une certaine flexibilité afin de permettre le développement de projets qui ne peuvent être raccordés au réseau d'Hydro-Québec ou de rentabiliser certaines infrastructures d'un producteur qui aurait des surplus énergétiques ».
Le Projet de loi 69 oblige également Hydro-Québec à obtenir l'autorisation du ministre pour distribuer de l'électricité dans certaines situations définies par la Régie. Jusqu'à ce que ces situations soient précisées, Hydro-Québec devra obtenir l'autorisation du ministre pour distribuer de l'électricité à toute personne demandant 5 000 kilowatts (5 MW) ou plus si aucune entente prévoyant un engagement financier de cette personne n'a été conclue avant le 2 décembre 2022.
Enfin, le Projet de loi 69 se concentre aussi sur le développement du secteur du gaz de source renouvelable en proposant diverses mesures visant à offrir plus de flexibilité et d'efficacité aux distributeurs de gaz naturel.
Dans le but de permettre à Hydro-Québec de développer des projets plus rapidement, le Projet de loi 69 propose de ne plus exiger qu'Hydro-Québec (une société d'État) procède uniquement par appels d'offres. Toutefois, dans les cas où Hydro-Québec ne procède pas par appel d'offres, la Régie devra approuver les contrats.
Le Projet de loi 69 exige également qu'Hydro-Québec fournisse à la Régie un plan d'approvisionnement en électricité de 15 ans préparé conformément au plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRÉ)— plus de détails sur ce plan dans la section 4 ci-dessous. Jusqu'à présent, Hydro-Québec devait fournir à la Régie un plan décennal.
De plus, le projet de loi 69 modifie les pouvoirs d'Hydro-Québec énoncés dans la LHQ en exigeant désormais qu'elle obtienne l'approbation du gouvernement pour acquérir ou détenir une participation majoritaire dans une autre entité. Sous réserve de l'autorisation gouvernementale, une telle entité aura désormais les mêmes pouvoirs qu'Hydro-Québec dans l'exercice de ses activités et bénéficiera de tous les droits d'Hydro-Québec, à moins que ses pouvoirs ou ses droits n'aient été restreints par son acte constitutif.
Le Projet de loi 69 accroît également les pouvoirs de la Régie, l'organisme régulant le secteur québécois de l'énergie. En effet, le Projet de loi 69 confie à la Régie la responsabilité de fixer les tarifs d'électricité tous les trois ans plutôt que tous les cinq ans. Ce mécanisme de révision des tarifs sera désormais établi en fonction des coûts d'Hydro-Québec et non plus en fonction du mécanisme actuel d'indexation des tarifs.
Le Projet de loi 69 donne également à la Régie le pouvoir de fixer les tarifs et les conditions de service du réseau public de bornes de recharge rapide pour véhicules électriques.
La Régie se voit également confier un nouveau rôle puisque le Projet de loi 69 propose de modifier sa mission afin d'inclure la notion de « transition énergétique » dans son mandat en plus d'ajouter un volet d'information aux consommateurs.
De plus, le Projet de loi 69 permet au gouvernement d'indiquer à la Régie les « préoccupations économiques, sociales et environnementales dont elle doit tenir compte dans toute décision qu'elle rend ».
Le Projet de loi 69 propose de mettre en œuvre le PGIRÉ qui précise les objectifs et les cibles à atteindre pour décarboniser le Québec d'ici 2050. Ce plan de gestion, décrit comme la pièce maîtresse du Projet de loi 69 par le ministre, doit présenter des solutions possibles pour atteindre la décarbonisation de la province, en y incluant l'électricité et d'autres sources d'énergie (comme le gaz et les énergies renouvelables). Le PGIRÉ définit la vision globale du secteur de l'énergie et son horizon de planification est de 25 ans. Le ministre est chargé d'établir le PGIRÉ et de le mettre à jour tous les six ans, en tenant compte des résultats des consultations publiques organisées au cours de son élaboration.
Le ministre doit soumettre le premier PGIRÉ au gouvernement avant le 1er avril 2026. D'ici là, l'objectif de production d'électricité est fixé à 255 térawattheures pour le 1er janvier 2035.
Le Projet de loi 69 octroie au ministre la nouvelle responsabilité « de soutenir, de stimuler et de promouvoir la production d’énergie ainsi que le développement de nouvelles filières énergétiques » et « de favoriser le développement des activités d’Hydro-Québec ».
Les détails concernant ces nouvelles responsabilités restent à venir, mais cela pourrait suggérer que les entreprises proposant des projets dans le secteur de l'énergie devront interagir plus directement avec le ministre au cours des différentes phases de leurs projets. Cela pourrait impliquer de rechercher du soutien et éventuellement de collaborer à des initiatives alignées sur les objectifs du ministre.
Enfin, la mission du ministre est modifiée par le Projet de loi 69, puisque le ministre doit « […] assurer une gestion responsable et intégrée des ressources énergétiques dans une perspective de transition énergétique et de développement économique ».
Pour une compréhension complète du Projet de loi 69, veuillez contacter un des auteurs.
Bennett Jones possède une vaste expérience dans le domaine de l’énergie, y compris dans l’électricité et les énergies renouvelables, et compte sur le plus important groupe juridique spécialisé en énergie au Canada. Si vous avez des questions ou si vous avez besoin d’aide avec un projet, veuillez contacter les auteurs ou notre groupe spécialisé en énergie.
Les auteurs remercient William Gogas-Lirette, étudiant d'été, pour ses contributions à ce blogue.
1 Le projet de loi 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives (le Projet de loi 69), a été déposé le 6 juin 2024 par M Pierre Fitzgibbon, ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie.