Écrit par Osie Ukwuoma
Ce n’est pas une nouvelle de dernière heure que 2023 a été une année de baisse pour les premiers appels publics à l’épargne (PAPE) au Canada, car les entreprises ont fait face à un ensemble rare de défis sur les marchés nationaux et mondiaux. Cependant, comme pour tout ralentissement, il y a des raisons d’être optimiste en 2024, car certaines incertitudes s’atténuent et les taux d’intérêt devraient se stabiliser, voire baisser.
À la fin du premier mois de 2024, Osie Ukwuoma, associé au sein du groupe du droit commercial des sociétés et des valeurs mobilières chez Bennett Jones, partage ses idées sur ce à quoi les entreprises peuvent s’attendre dans le paysage canadien des papes pour l’année à venir.
Dans quelle mesure les conditions ont-elles été difficiles pour le marché canadien des PAPE ?
Il n’y a pas eu de moment dans l’histoire récente qui corresponde à la combinaison actuelle des taux d’intérêt, de l’inflation, du sentiment des consommateurs, d’une élection présidentielle américaine imminente (et potentiellement conflictuelle) et de l’incertitude géopolitique. La dernière fois que le taux directeur de la Banque du Canada était à 5 % ou au-dessus, c’était en avril 2001, et nous avons connu notre première période d’inflation accrue en une génération. 1
Le manque d’activité d’introduction en bourse en 2023 est survenu dans la foulée d’un marché boursier en chute libre à la fin de 2022. La baisse des valorisations s’est répercutée sur les investisseurs institutionnels qui ont subi des rachats qui les ont amenés à retirer davantage leur allocation de capital, ce qui a encore déprimé le marché. Cela ne veut pas dire que les entreprises n’ont pas publiquement coté leurs actions en 2023. Les conditions de marché difficiles ont amené les entreprises à devenir plus créatives et à utiliser d’autres techniques d’inscription, telles qu’une opération de prise de contrôle inversée ou en déposant un prospectus de non-offre pour inscrire des actions à la cote d’une bourse sans offre associée. De plus, les émetteurs juniors à court d’argent ont été en mesure de tirer parti d’autres techniques de mobilisation de capitaux, comme la dispense de financement des émetteurs inscrits, qui permet aux émetteurs, sous réserve de certaines conditions, de faire des placements au Canada de titres librement négociables sans prospectus.
Comment le marché canadien des PAPE se comporte-t-il par rapport aux États-Unis ?
Le marché canadien n’est pas seul dans sa récente chute. Il y a eu une pénurie d’IPO à l’échelle mondiale et les deux dernières années ont été lentes aux États-Unis, bien que le marché américain semble s’être mieux comporté que le marché canadien vers la fin de 2023, ce qui amène les analystes à voir des raisons d’être optimistes. Au sud de la frontière, il y a un élan pour une activité d’introduction en bourse accrue, ce qui se reflète dans l’introduction en bourse anticipée de l’agrégateur, De Reddit, et les récentes grandes introductions en bourse de haut niveau, y compris les offres complétées par Arm Holdings, Birkenstock et Instacart.
Bien qu’il y ait des similitudes, le marché des PAPE au Canada n’est pas le même qu’aux États-Unis. Non seulement le marché américain est beaucoup plus important dans l’ensemble, mais les évaluations pré-introduction en bourse pour les entreprises américaines ont tendance à être beaucoup plus élevées, ce qui soutient un pipeline plus profond d’introductions en bourse potentielles. 2Cependant, le marché américain peut être considéré comme un indicateur pour le marché canadien, et une hausse du marché américain des PAPE stimule généralement l’augmentation, mais le report, de l’activité sur le marché canadien.
Y a-t-il des raisons de s’attendre à une augmentation de l’activité d’introduction en bourse au Canada pour 2024 ?
Les baisses de taux d’intérêt prévues (tant par la Banque du Canada que par la Réserve fédérale aux États-Unis) et la demande capte-forte des 12 derniers mois sont les principales raisons pour lesquelles on peut s’attendre à une augmentation de l’activité de mobilisation de capitaux. En règle générale, l’activité d’introduction en bourse est en corrélation avec l’activité plus large du marché et est considérée comme un indicateur de retard. Le boom des papes en 2021 et au début de 2022 est survenu vers la fin d’un marché haussier sans précédent en 2020 et au début de 2021 qui a vu les valorisations monter en flèche. Il est généralement avantageux pour une entreprise de lever des capitaux sur le marché qui fournit l’évaluation la plus attrayante, qui, en 2020 et au début de 2021, était le marché public. En plus des baisses de taux et de la demande susmentionnées, la hausse des valorisations vers la fin de 2023 (8 % au cours du T4 2023 pour l’indice S&P/TSX Total Return) et l’élan des papes aux États-Unis sont des indicateurs potentiels de l’augmentation de l’activité d’introduction en bourse. 3
La baisse récente du nombre d’IPO au Canada est-elle attribuable aux conditions du marché, ou y a-t-il un changement fondamental dans la question de savoir si les entreprises veulent entrer en bourse ou non ?
La réponse à la récente baisse du nombre d’offices de propriété intellectuelle semble varier d’une industrie à l’autre. En 2020 et 2021, un nombre disproportionné d’entreprises (à l’exclusion des sociétés d’acquisition à vocation spéciale) qui ont levé des capitaux, que ce soit sur les marchés publics ou privés, étaient des entreprises axées sur la technologie. Ces sociétés ont levé des capitaux à des valorisations élevées, et parfois irréalistes, basées sur le succès des IPO technologiques alors récentes. Les valorisations de ces sociétés émergentes axées sur la technologie ont diminué depuis les sommets de 2021 et il y a eu un changement de la part des participants au marché pour se concentrer sur les entreprises des industries traditionnelles (par exemple, l’énergie, les services publics, l’immobilier). On peut s’attendre à ce que les entreprises soutenues par des commanditaires qui génèrent des bénéfices positifs se tournent vers les marchés publics pour permettre aux sponsors et aux autres investisseurs précoces de monétiser leur investissement. La combinaison unique de la baisse des valorisations et des récentes forces du marché a entraîné un passage de la « croissance à tout prix » à l’accent mis sur la rentabilité. Bon nombre des IPO notables de 2023 réalisées aux États-Unis ont été réalisées par des entreprises rentables et génératrices de flux de trésorerie.
Comment les entreprises pourraient-elles réagir si les taux d’intérêt ne sont pas réduits en 2024 et restent plus élevés plus longtemps ?
L’appétit d’une entreprise pour accéder au marché public, soit en réalisant une introduction en bourse, soit en tant qu’offre de suivi, sera influencé par son besoin immédiat de capitaux. Le ralentissement du marché boursier en 2022 et au début de 2023, associé à la facilité de lever des capitaux au cours des deux années précédentes, a fourni des conditions qui ont permis aux entreprises d’être plus choix sur la mobilisation de capitaux supplémentaires. Si les taux d’intérêt continuent d’augmenter ou restent imprévisibles, une entreprise dont les réserves de trésorerie diminuent peut seulement résister à la mobilisation de capitaux supplémentaires pendant si longtemps et ses réserves de trésorerie, ou leur absence de réserves de trésorerie, peuvent forcer le problème. Les entreprises peuvent se tourner vers des investisseurs stratégiques ou accepter des conditions de financement moins attrayantes pour répondre à leurs besoins en capital.
Les participants au marché préfèrent être plus actifs lorsqu’il y a un sentiment de clarté, en particulier en ce qui concerne les mesures qui ont historiquement eu une incidence importante sur les évaluations. Bien que la baisse des taux d’intérêt soit préférable, un environnement de taux d’intérêt stable et prévisible procure un sentiment de clarté, ce qui à son tour favorise l’augmentation de la mobilisation de capitaux et permet aux entreprises de comprendre leur nouveau coût du capital. Un environnement stable offre également aux investisseurs une vision plus claire d’un rendement positif. À tout le moins, cette récente combinaison de forces du marché a amené les investisseurs, les participants au marché et les entreprises à prendre conscience, du moins plus que par le passé, des annonces de la Banque du Canada publiant son taux d’intérêt directeur ou de la publication par Statistique Canada de l’indice des prix à la consommation.
Pourquoi certaines entreprises ne poursuivent-elles pas la voie de l’introduction en bourse ? Quels sont les avantages de rester privé ?
Les sociétés cotées en bourse sont assujetties à une surveillance réglementaire accrue, à des exigences de divulgation financière et à des obligations d’information continue. De plus, l’examen minutieux des analystes et des investisseurs potentiellement activistes peut affecter la capacité d’une entreprise à fonctionner efficacement. Les sociétés privées peuvent maintenir un plus grand contrôle sur leurs opérations et leur gestion, sans se préoccuper trop de l’évolution plus large du marché des capitaux. Au cours des dernières années, l’activité accrue des fournisseurs de capital-investissement, de capital de risque et de titres de créance privés a donné aux sociétés privées une plus grande flexibilité pour surmonter les contraintes de capital qui auraient pu être traitées en réalisant un appel public à l’épargne dans le passé.
La décision d’une entreprise de ne pas poursuivre une introduction en bourse tout en poursuivant sa croissance souhaitée sera basée sur plusieurs facteurs, mais sera fortement influencée par sa capacité à accéder à des capitaux sur le marché privé et la nature de ses actionnaires. Une entreprise privée devra déterminer si elle peut financer sa croissance et atteindre ses jalons stratégiques, tout en équilibrant le désir de liquidité et le retour sur investissement des premiers investisseurs.
Quels sont les avantages d’être une société ouverte ?
Les raisons souvent citées pour qu’une entreprise effectue une introduction en bourse comprennent la facilité d’accès au capital, la liquidité et la flexibilité. Les marchés publics permettent à une entreprise de lever des fonds assez rapidement auprès d’un plus grand nombre d’investisseurs et d’utiliser des mécanismes d’offre tels qu’un financement par « prise ferme » qui élimine le risque financier de ne pas lever suffisamment d’argent. Les entreprises orientées vers les consommateurs pourraient également bénéficier de la visibilité acquise en tant qu’entreprise ouverte. Les actions d’une société cotée en bourse peuvent être utilisées comme monnaie relativement liquide pour les transactions futures, les acquisitions et la rémunération des employés et des dirigeants - des caractéristiques qui ne peuvent pas être facilement reproduites sur le marché privé. À court terme, un accès plus large au capital et à la flexibilité peut accélérer la croissance et, à long terme, la visibilité supplémentaire et le coût réduit du capital qui accompagnent une inscription publique ouvrent la voie à une rentabilité soutenue.
Pour discuter de l’introduction en bourse et du paysage des marchés financiers du Canada et de ce que cela peut signifier pour votre entreprise, communiquez avec Osie Ukwuoma ou un autre membre de notre groupe du droit commercial des sociétés et des valeurs mobilières.
1 Site Web de la Banque du Canada : https://www.bankofcanada.ca/rates/interest-rates/key-interest-rates.
2 La valeur globale du marché boursier américain est de 49 billions de dollars américains, contre 3 billions de dollars américains pour le marché canadien (données de la Securities Industry and Financial Markets Association).
3 Base de données Bloomberg.