Sécurisons nos infrastructures essentielles et la marque Canada

March 10, 2022

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Written By Anne McLellan and John Manley

The following op-ed was contributed to La Presse by Anne McLellan and John Manley. It appeared in the February 28, 2022 edition.

Les décisions des gouvernements de l’Ontario et du Canada d’invoquer l’état d’urgence pour régler les blocages aux postes frontaliers et l’occupation du centre-ville d’Ottawa ont suscité de nombreux débats. Il est légitime, en effet, de se demander si des pouvoirs extraordinaires étaient indispensables pour rétablir l’ordre. Le fait que les deux gouvernements ont maintenant révoqué les mesures d’urgence ne mettra pas un terme à ces conversations.

Trois propositions sont moins contestables. Premièrement, dans une démocratie, le droit de manifester ne comprend pas le droit de paralyser une partie de l’infrastructure économique et commerciale essentielle du pays. Deuxièmement, le blocage de corridors commerciaux a entraîné des coûts importants pour l’économie et porté atteinte à notre réputation internationale de partenaire commercial fiable. Troisièmement, il incombe à tous les ordres de gouvernement de veiller à ce qu’ils aient les pouvoirs et la capacité d’empêcher toute répétition des récents évènements.

Les blocages surviennent à un moment où les chaînes d’approvisionnement subissent déjà des pressions à l’échelle internationale. La crise de la COVID-19 a mis au jour la vulnérabilité des modèles d’affaires qui reposent sur une livraison juste à temps. Les producteurs du monde entier, y compris aux États-Unis et au Canada, ont réévalué et, dans certains cas, diversifié leurs chaînes d’approvisionnement afin de gérer les risques et de respecter leurs engagements envers leurs clients.

Pendant ce temps, sous les administrations Trump et Biden, les exportateurs canadiens ont été confrontés à l’incertitude engendrée par les mesures commerciales protectionnistes des États-Unis, des tarifs arbitraires, des politiques d’achat aux États-Unis et des avantages fiscaux discriminatoires.

Depuis des années, le message primordial du Canada en matière de promotion de l’investissement est qu’il dispose d’un accès privilégié à la plus grande économie du monde.

Nous avons travaillé fort pour obtenir cet accès, d’abord dans l’Accord de libre-échange de 1988, puis dans l’accord pour une frontière intelligente après les évènements du 11-Septembre, enfin dans l’ALENA et l’ACEUM. Ce message est maintenant compromis. Si la frontière n’est pas considérée comme étant ouverte et fluide, les producteurs qui souhaitent sécuriser leurs approvisionnements et leurs accès aux marchés pourraient décider d’investir aux États-Unis, le plus grand marché, plutôt qu’au Canada. En effet, si cette perception s’impose fermement, la marque Canada subira un préjudice durable.

Le Canada ne peut pas se permettre des blessures auto-infligées comme celles produites par les blocages des postes-frontières. Par exemple, les législateurs du Michigan sont prêts à mettre en lumière les récents évènements pour appuyer leur campagne visant à rapatrier les investissements dans le secteur manufacturier aux dépens de notre industrie automobile, qui s’est construite sur la solidité des accords commerciaux intervenus entre le Canada et les États-Unis depuis 1965. Pour contrer ce genre de discours, nos gouvernements doivent affirmer haut et fort que nos corridors commerciaux sont sûrs et que le Canada est un partenaire commercial fiable.

Les autorités municipales et les gouvernements provinciaux ont une responsabilité aux premières lignes. Lorsque des routes et des ponts, des voies ferrées, des pipelines, des ports ou d’autres infrastructures essentielles sont pris en otages, c’est aussi une question d’intérêt national et il doit y avoir un leadership national. Aux termes de notre Constitution, on peut affirmer une juridiction fédérale, y compris en vertu de la compétence en matière de commerce. Il s’agit d’une question de paix, d’ordre et de bon gouvernement, et l’autorité fédérale doit s’exercer en collaboration avec les autorités provinciales et municipales. Par ailleurs, il ne faut pas attendre qu’une crise nationale s’installe pour prendre les mesures fédérales qui s’imposent. Les coûts sont alors déjà trop élevés.

Nous proposons donc deux mesures.

Premièrement, le gouvernement devrait déposer au Parlement un projet de loi visant à protéger les infrastructures économiques et commerciales essentielles du Canada. Cette loi viserait à établir un pouvoir fédéral clair, encadrant des actions nécessaires, pour intervenir en cas d’actes délibérés perturbant le fonctionnement essentiel de notre économie. De nos jours, il faut aussi inclure une protection contre les attaques visant les infrastructures numériques essentielles comme le système de paiements. Il devrait y avoir la possibilité de demander rapidement des injonctions, d’imposer de lourdes sanctions civiles et pénales et de saisir des biens, un peu comme certaines des mesures qui peuvent maintenant être invoquées lors de situations d’urgence. Bien sûr, l’application de la loi ferait l’objet d’une consultation étroite avec les provinces et les autorités locales pour assurer une réponse coordonnée, des garanties pour prévenir les abus et un contrôle parlementaire afin de préserver la transparence et la reddition de comptes. Les provinces doivent également revoir si elles ont les pouvoirs nécessaires pour mener leurs propres interventions en cas de perturbations.

Deuxièmement, le pouvoir d’agir étant une condition nécessaire, mais insuffisante en elle-même, pour prévenir et résoudre les crises, les gouvernements doivent urgemment entreprendre une discussion sur les capacités, les ressources et la formation des forces de l’ordre. Des plans doivent être élaborés pour combler les lacunes, et des protocoles d’intervention commune doivent être mis en place. Dans ce contexte, il faut envisager la création de moyens spécialisés au sein de la GRC qui pourraient être déployés rapidement pour appuyer d’autres forces sur le terrain.

Avec une compétence clairement définie, des pouvoirs disponibles immédiatement et des moyens accrus pour faire respecter la loi, le message aux groupes qui envisagent d’abuser de leur droit de manifester serait clair : les attaques contre nos infrastructures essentielles ne seront pas tolérées. Le message à tous les Canadiens et à nos partenaires mondiaux serait tout aussi clair : le Canada est déterminé à protéger ses relations commerciales, ses infrastructures essentielles et sa réputation internationale en tant que partenaire économique fiable.

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