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Le budget fédéral du Canada de 2022 et ses répercussions sur les sanctions canadiennes

12 mai 2022

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Écrit par Sabrina A. Bandali, Laurie Wright, Jessica Horwitz, Andrei Mesesan

As expliqué dans notre récent aperçu sur le 2022 Budget fédéral canadien, le 7 avril 2022, le gouvernement fédéral du Canada a publié Budget 2022: Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable. Le budget jette les bases fondamentales des objectifs du gouvernement fédéral en matière de développement économique national, promettant des investissements continus dans la croissance économique et l’innovation au Canada. Parmi les changements introduits dans le projet de loi C-19, intitulé le Budget Implementation Act, 2022, No. 1 (Loi d’exécution du budget, 2022), figurent des modifications importantes à la Loi sur les mesures économiques spéciales et à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) ainsi que des modifications correspondantes à la Loi sur la gestion des biens saisis. Si elle est adoptée, la loi introduira une foule de changements, notamment :

Les changements proposés surviennent peu de temps après une déclaration déclaration conjointe publiée par les ministres du Canada, de l’Australie, des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon ainsi que par les commissaires européens. Ce groupe de travail sur les élites, les mandataires et les oligarques russes (REPO TaskForce) s’est engagé à « trouver, restreindre, geler, saisir et, le cas échéant, confisquer ou confisquer les avoirs des personnes et entités qui ont été sanctionnées en relation avec l’invasion préméditée, injuste et non provoquée de l’Ukraine par la Russie » dans le but d’empêcher ces personnes d’accéder à leurs ressources et à leurs richesses à l’étranger. Plus précisément, le budget annonçait l’intention du gouvernement fédéral de clarifier la capacité du ministre des Affaires étrangères de causer la confiscation et la disposition des biens détenus par des personnes et des entités sanctionnées et d’appuyer la participation du Canada au groupe de travail sur les REPO.

Détails de la modification proposée introduite par la Loi d’exécution du budget de 2022

Loi sur les mesures économiques spéciales

Les modifications à la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMSE) proposées par la Loi d’exécution du budget de 2022 sont importantes et permettront notamment au gouvernement du Canada d’exiger la confiscation des biens saisis ou restreints appartenant à des personnes ou à des entités sanctionnées. Ces changements feraient du Canada le premier pays du Groupe des Sept à prévoir la confiscation et la distribution des avoirs gelés de ceux qui font l’objet de sanctions. Les considérations déjà soulevées au sujet des mesures proposées comprennent la question de savoir si la confiscation et le paiement d’actifs minent l’effet de levier pour changer le comportement qui découle de la possibilité que les actifs ne soient pas gelés à l’avenir, et si le fait d’obliger la production d’informations sans mandat soulève des préoccupations quant à les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.

Voici quelques-uns des principaux changements proposés :

  1. Redéfinir la « propriété » 
    Le terme « bien » est actuellement défini comme « tout bien réel ou personnel ». Les modifications proposées modifieraient et élargiraient la définition pour inclure tout type de bien, « qu’il soit réel ou personnel ou immeuble ou mobilier, ou tangible ou intangible ou corporel ou incorporel et comprend l’argent, les fonds, les espèces, les biens numériques et la monnaie virtuelle ». La principale expansion contenue dans la nouvelle définition est l’inclusion d’actifs incorporels ou incorporels, y compris les actifs numériques et la monnaie virtuelle, qui n’ont sans doute pas été visés par la définition précédente.
  2. Ordonnances de confiscation
    Les modifications proposées donneraient à un ministre le pouvoir de demander à la Cour supérieure de la province concernée de rendre une ordonnance de confiscation de biens saisis ou retenus au profit de la Couronne fédérale. Toutefois, les modifications proposées ne contiennent pas de critères pour guider la décision du ministre concernant les circonstances dans lesquelles la confiscation devrait être demandée. Il existe des dispositions exigeant un avis de demande de confiscation aux parties semblant avoir un droit ou un intérêt sur le bien. Les modifications proposées prévoient également qu’une personne ayant un droit ou un droit à des biens confisqués, autre que la personne désignée qui possédait ou contrôlait le bien, en vue d’obtenir une ordonnance du tribunal en vue d’obtenir une indemnisation du ministre.
  3. Demande de révision 
    Les particuliers et les entités dont les biens font l’objet d’une ordonnance de saisie ou de blocage en vertu de l’alinéa 4(1)b) de la Loi pourraient demander au ministre de demander que les biens cessent de faire l’objet de l’ordonnance rendue en vertu de cet alinéa. Encore une fois, les critères des « motifs raisonnables » sur lesquels le ministre peut faire droit à une telle demande ne sont pas précisés dans les modifications proposées. La décision de révision du ministre pourrait faire l’objet d’un contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur les Cours fédérales.
  4. Paiement du produit des biens saisis
    Le produit des biens confisqués ne serait versé et affecté qu’à des fins précises qui se limitent à : la reconstruction d’un État étranger touché par une violation grave de la paix et de la sécurité internationales; le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales; et l’indemnisation des victimes d’une grave violation de la paix et de la sécurité internationales, de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ou d’actes de corruption importants. Cela pourrait autoriser le gouvernement du Canada à utiliser les recettes pour aider, par exemple, aux efforts de reconstruction en Ukraine.
  5. Pouvoirs d’application améliorés : échange de renseignements et divulgation forcée
    D’autres modifications proposées comprennent une disposition permettant la collecte et l’échange de renseignements entre les organismes et les ministères du gouvernement fédéral, y compris le ministère des Finances, le ministère des Affaires étrangères, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). De plus, les modifications proposées créeraient un nouveau rôle pour la GRC, lui permettant d’aider le ministre dans les questions liées à la prise d’une ordonnance de confiscation. De même, les pouvoirs accordés au ministre des Affaires étrangères seraient élargis pour inclure la capacité d’obliger des particuliers à fournir tout renseignement qu’il estime, pour des motifs raisonnables, pertinent pour rendre, appliquer ou faire respecter une ordonnance de confiscation.
  6. Ajout d’une clause d’objet
    L’amendement proposé introduirait une nouvelle clause d’objet affirmant et permettant au gouvernement du Canada de s’engager à « prendre des mesures économiques contre certaines personnes dans des circonstances où une organisation internationale d’États ou une association d’États dont le Canada est membre demande à ses membres de le faire, qu’une rupture grave de la paix et de la sécurité internationales s’est produite; des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ont été commises dans un État étranger ou des actes de corruption importants impliquant un ressortissant d’un État étranger ont été commis. L’inclusion d’un énoncé explicite de l’objet dans la loi facilitera l’interprétation de la loi et permettra aux tribunaux d’évaluer à l’avenir la portée de la conduite interdite ou restreinte par la LMSE à la lumière de l’objet visé de la loi.
  7. Clarifier la vaste portée des ordonnances et des interdictions
    À l’heure actuelle, le gouverneur en conseil peut saisir, geler ou séquestrer tout bien situé au Canada qui est détenu par ou pour le compte d’un État étranger, d’une personne dans cet État étranger ou d’un ressortissant de cet État étranger qui ne réside pas habituellement au Canada, s’il estime que certaines conditions, comme une violation grave de la paix et de la sécurité internationales, se sont produits. Les modifications proposées remplacent les concepts de « gel ou séquestre » par le concept plus large de « restreindre » et précisent que le pouvoir de saisir ou de restreindre (et l’interdiction de « faire le commerce ») s’appliquerait à tout bien situé au Canada qui est « possédé – ou qui est détenu ou contrôlé, directement ou indirectement – par » un État étranger; une personne dans cet État étranger ou un ressortissant de l’État étranger qui ne réside pas habituellement au Canada.

Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi Sergueï Magnitski)

Des amendements similaires ont été proposés pour la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi Sergueï Magnitski) ( Ces modifications comprennent la même nouvelle définition de « bien » et élargissent la notion de bien pouvant être saisi pour inclure les biens qui sont « possédés — ou qui sont détenus ou contrôlés, directement ou indirectement — par » un étranger. De même, les modifications proposées prévoiraient une demande visant à ce que les biens cessent de faire l’objet d’une ordonnance de saisie ou de blocage. Les modifications proposées mettraient en place le même type de processus pour les ordonnances de confiscation et des dispositions similaires permettant la collecte et l’échange de renseignements entre les organismes et les ministères gouvernementaux, ainsi que la GRC d’aider le ministre et le ministre d’obliger des personnes à fournir des renseignements.

En vertu des modifications proposées, le produit des biens confisqués ne serait versé et attribué qu’à l’indemnisation des victimes des circonstances pour lesquelles la Loi permet au gouverneur en conseil de prendre un décret ou des règlements. Ces circonstances comprennent, par exemple, lorsqu’un ressortissant étranger est responsable ou complice de violations flagrantes des droits de l’homme ou lorsqu’un agent public est responsable ou complice d’actes de corruption importants.

Projet de loi connexe : Projet de loi S-217

Parallèlement, il y a eu un appel récent à la Chambre des communes pour accélérer l’examen et l’adoption d’une nouvelle loi qui fournirait un mécanisme pour confisquer « billions de dollars d’avoirs russes gelés et les utiliser pour construire l’Ukraine. » Officiellement connu sous le nom de projet de loi S-217 « Une loi concernant la réaffectation de certains biens saisis, gelés ou séquestrés », le projet de loi a été déposé en novembre 2021 et est maintenant en voie d’être adopté par le Sénat, ce qui signifie qu’il sera bientôt examiné par la Chambre des communes.

Le projet de loi S-217, le projet de Loi sur la réaffectation des avoirs gelés, vise à prévoir la déclaration et la disposition des avoirs saisis, gelés ou mis sous séquestre en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, de la Loi sur le gel des avoirs de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi Sergueï Magnitski).

Le projet de loi S-217 a été présenté par la sénatrice Omidvar et n’est pas un projet de loi d’initiative gouvernementale. Il vise à atteindre le même objectif que les modifications au régime de sanctions proposées par la Loi d’exécution du budget de 2022, à savoir fournir un régime par lequel certains biens liés à des violations internationales des droits de la personne qui sont saisis, gelés ou mis sous séquestre en vertu de la loi canadienne peuvent être réaffectés. Le projet de loi s’appliquerait également aux biens gelés en vertu de la Loi sur le gel des avoirs de dirigeants étrangers corrompus.

Pour atteindre cet objectif, le projet de loi S-217 propose que, à la demande du procureur général du Canada, un juge ou un juge de la Cour supérieure de la province où se trouve un bien gelé puisse ordonner que l’avoir gelé soit versé au tribunal, vendu ou autrement traité comme le tribunal le juge approprié s’il est prouvé que le bien est associé à un étranger responsable ou complice de corruption, déplacement forcé de personnes ou certaines violations des droits de l’homme.

Tout produit versé aux tribunaux en vertu de la Loi se limiterait aux allocations au profit de personnes lésées ou autrement désavantagées par les actions d’un ressortissant étranger, à l’appui de l’aide humanitaire, au secours aux personnes déplacées de force ou à l’aide à un État étranger pour accueillir des réfugiés.

Par rapport aux modifications proposées à la LMES dans la Loi d’exécution du budget de 2022, le projet de loi S-217 donne aux tribunaux un rôle important pour rendre des ordonnances à leur discrétion en vertu desquelles les avoirs gelés versés aux tribunaux seraient distribués. Il élargit également la base sur laquelle les avoirs pourraient être confisqués pour inclure le déplacement forcé de personnes.

Le projet de loi S-217 en est actuellement à l’étude de troisième lecture au Sénat. S’il est adopté par le Sénat, il sera ensuite examiné à la Chambre des communes. Toutefois, si le Parlement adopte les modifications proposées dans la Loi d’exécution du budget de 2022, il est peu probable que le projet de loi S-217 soit adopté. Le ministre des Affaires étrangères a déjà insindigné publiquement que les modifications apportées à la Loi d’exécution du budget de 2022 visent à s’appuyer sur le travail de la sénatrice Omidvar.

Prochaines étapes

Les modifications proposées dans la Loi d’exécution du budget de 2022 pourraient avoir une incidence sur les activités des entreprises canadiennes qui font du commerce avec des organisations et des particuliers associés à des personnes sanctionnées, qui fournissent des services ou qui s’y livrent des opérations financières, y compris celles qui ont des intérêts dans des biens qui sont également détenus, détenus ou contrôlés – directement ou indirectement – par des entités et des particuliers assujettis à des sanctions. Les entreprises doivent évaluer leur exposition actuelle dans les régions sanctionnées et suivre de près l’évolution de la situation.

Il s’agit de questions complexes et en évolution rapide, avec des risques d’exposition importants. Le groupe Bennett Jones International Trade group est disponible pour aider les entreprises à évaluer l’exposition au risque, à élaborer des plans d’intervention et à donner des conseils sur l’incidence des sanctions canadiennes sur les entreprises canadiennes et étrangères.

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