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Quand la communication entre le comptable et l’avocat d’un client est-elle privilégiée?

05 octobre 2016

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Les communications entre les avocats et les comptables de leurs clients ou d’autres professionnels non juridiques ne sont pas en soi privilégiées, mais peuvent l’être lorsque la communication est dans « la poursuite d’une fonction essentielle à la relation avocat-client ou au continuum de conseils juridiques fournis par l’avocat », a récemment conclu la Cour d’appel de la Saskatchewan dans Redhead Equipment c Canada (Procureur général) , 2016 SKCA 115 [Rousse].

Les documents privilégiés n’ont pas à être divulgués, par exemple, dans le cadre d’une poursuite ou devant les autorités fiscales. Le privilège relatif aux conseils juridiques, un type de privilège dans le cadre duquel des conseils juridiques sont demandés à un avocat, est la forme de privilège sur laquelle on s’appuie le plus souvent dans les contextes transactionnels et protège les communications entre un client et un avocat. Souvent, cependant, des comptables et d’autres professionnels non juridiques sont impliqués dans de telles transactions. Les communications entre ces autres professionnels et un avocat sont-elles privilégiées? Si « cela dépend », y a-t-il des moyens de renforcer la possibilité que de telles communications soient privilégiées? Dans l’affaire Redhead, la Cour d’appel de la Saskatchewan a eu l’occasion d’aborder ces questions.

Dans l’affaire Redhead, un groupe de sociétés (Redhead) a procédé à une restructuration au cours de laquelle Redhead a demandé des conseils juridiques sur des questions fiscales. L’Agence du revenu du Canada (ARC) a par la suite demandé que certains renseignements et documents liés à la restructuration lui soient fournis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. En réponse, Redhead a demandé une ordonnance selon laquelle les documents en question étaient privilégiés.

Lors de l’examen de la décision d’un juge en cabinet, la Cour d’appel de la Saskatchewan a examiné les principes de droit pertinents concernant les conseils juridiques ou le secret professionnel de l’avocat (le privilège relatif au litige n’était pas en cause, puisque le litige n’était pas existant ou envisagé à l’époque). La Cour a noté que « la nature ou le contenu de la communication doit comprendre des conseils juridiques » et que « l’avocat doit agir à titre d’avocat qui donne des conseils juridiques plutôt qu’à titre non juridique ». Les documents comptables ou les documents de « nature factuelle » ne sont pas privilégiés. De même, les documents que l’avocat possède sans rapport avec le fait de donner des conseils juridiques ne sont pas privilégiés. Toutefois, pour obtenir le privilège, il n’est pas nécessaire que la communication « demande ou offre expressément des conseils tant qu’ils peuvent être placés dans le « continuum » de communication dans lequel l’avocat offre des conseils ».

En appliquant ces principes à des situations dans lesquelles un tiers, comme un comptable, est intercalé entre l’avocat et le client, la Cour a examiné la jurisprudence antérieure et a statué ce qui suit :

... le privilège s’étend à toutes les situations dans lesquelles le tiers agit à titre d’interprète des renseignements fournis par le client pour l’avocat ou sert d’intermédiaire de conseils de l’avocat au client ou d’intermédiaire d’instructions du client à l’avocat, ou emploie une expertise dans la collecte des renseignements fournis par le client et dans l’explication à l’avocat. ... le secret professionnel de l’avocat ne s’étend qu’aux communications de tiers qui sont dans l’exercice d’une fonction essentielle à l’existence ou au fonctionnement de la relation avocat-client. Par conséquent, pour déterminer si la communication est privilégiée, il faut analyser la fonction du tiers vis-à-vis du client et de l’avocat à l’égard de la communication.

En ce qui concerne plus particulièrement les comptables, la Cour a souligné que « [l]es droits des comptables et des clients » et que « les comptables fiscaux ne donnent pas de conseils juridiques ». Les renseignements fournis par les comptables ne seront plutôt protégés par le privilège que si le comptable « a été utilisé à titre de représentant d’un client pour obtenir des conseils juridiques ». Ainsi, le privilège ne s’attache pas à une communication à un comptable lorsque son opinion comptable est demandée et fournie. En particulier, les communications ne sont pas privilégiées simplement parce qu’un avocat « conduit l’autobus » et que tout le monde est à bord et se dirige vers la même destination transactionnelle ».

Redhead confirme ainsi le statut unique et avantageux accordé aux avocats, qui seuls bénéficient de la protection du privilège des conseils juridiques. Les communications avec d’autres professionnels, bien qu’importantes sur le plan transactionnel, doivent être traitées avec soin. La voie vers la protection de ces communications peut être renforcée par le positionnement du conseiller comme « un canal de communication », « un messager, un traducteur ou un transcripteur » ou quelqu’un qui « emploie[s] expertise pour rassembler les informations fournies par le client et expliquer les informations à l’avocat ». De cette façon, avec une préparation et une mise en œuvre réfléchies, les arguments en faveur de la non-divulgation de documents sensibles ou confidentiels peuvent, dans certains cas, être renforcés.

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