L’expansion et la contraction des causes d’action de la responsabilité du fait des produits

22 avril 2022

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Écrit par Ashley Paterson and Julien Sicco

La jurisprudence en matière de responsabilité du fait des produits en 2021 a clarifié certaines causes d’action qui constituent souvent le fondement des réclamations en responsabilité du fait des produits. En particulier, les tribunaux de l’Ontario ont tenu compte des nouvelles catégories d’obligations de diligence découlant de la cause d’action pour négligence couramment invoquée et des réclamations pour violation de la garantie expresse et violation des garanties implicites qui sous-tendent la législation sur la protection des consommateurs. Ces décisions fournissent des directives à jour dans le contexte des requêtes en radiation et des requêtes en accréditation. Les fabricants qui exercent leurs activités au Canada
devrait être au courant de ces développements.

Négligence : L’obligation des fabricants de marchandises intrinsèquement dangereuses

Dans l’affaire Price c. Smith & Wesson Corp, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a tranché, dans le cas d’une requête préliminaire en radiation, que les fabricants d’armes à feu et les fabricants d’autres marchandises intrinsèquement dangereuses peuvent être responsables de l’utilisation abusive de leurs produits lorsque des mesures de sécurité réalisables auraient pu prévenir un préjudice.

Ce recours collectif proposé découlait de la « fusillade de Danforth » à Toronto, qui impliquait une arme de poing Smith & Wesson volée. Smith & Wesson ont soutenu que la Cour devrait radier les réclamations pour négligence des demandeurs en partie parce que Smith & Wesson n’avait pas d’obligation de diligence envers les demandeurs en vertu d’une catégorie d’obligation reconnue.

La Cour a refusé de radier les réclamations pour négligence des demandeurs après avoir identifié deux catégories d’obligation de diligence potentiellement applicables: (i) la catégorie des « marchandises dangereuses en soi », en vertu de laquelle
les fabricants d’un bien « dangereux en soi » ont une obligation envers ceux qui se trouvent nécessairement à proximité du produit; et ii) la catégorie moderne de la « responsabilité du fait des produits », en vertu de laquelle les fabricants d’un produit présentant un défaut de conception ont une obligation envers ceux qui sont lésés par le produit défectueux. La Cour a reconnu que Smith et Wesson pouvaient être jugés comme n’ayant pas satisfait à ces obligations en n’utilisant pas la « technologie d’utilisateur autorisé » permettant aux armes de poing d’être tirées uniquement lorsqu’elles sont activées par un utilisateur autorisé.

Cette décision pourrait avoir des répercussions importantes sur l’industrie canadienne des armes à feu et pourrait également avoir des répercussions dans d’autres industries. Mais la décision, qui a été rendue sur la base d’une norme de requête préliminaire en radiation, laisse ouverte la question de savoir si des actes criminels indépendants commis par un tiers peuvent avoir une incidence sur la responsabilité, quelles précautions permettraient de satisfaire à ces obligations et quand un produit est « dangereux en soi ».

Négligence : clarifier la perte purement économique

La décision rendue en 2021 par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Carter c Ford Du Canada a interprété et appliqué la décision de 2020 de la Cour suprême du Canada dans 1688782 Ontario Inc c. Aliments Maple Leaf Inc., démontrant la portée limitée des réclamations pour négligence pour perte purement économique. Bennett Jones a représenté Ford.

Les réclamations pour perte purement économique englobent les réclamations pour perte de profits, atteinte à la réputation et autres dommages économiques non accompagnés d’un préjudice à la personne ou à la propriété. Dans l’arrêt Carter, les demandeurs alléguaient que certains véhicules Ford contenaient un défaut de pompe à eau qui créait une propension à une panne moteur dangereuse après un « kilométrage modéré ». Une sous-catégorie visait à obtenir des dommages-intérêts pour la diminution de la valeur des véhicules défectueux.

Appliquant les Aliments Maple Leaf, la Cour a refusé de certifier la réclamation parce que les demandeurs n’ont pas plaidé une « menace imminente » de préjudice à une personne ou à un bien, plaidant plutôt que le défaut pourrait survenir « à un moment indéterminé dans l’avenir », ce que la Cour a qualifié de « danger [...] qui ne sera peut-être jamais supporté ». La Cour a également statué que la diminution de valeur ne serait pas recouvrable, puisque le recouvrement dans les cas de perte purement économique est limité aux coûts de la prévention du dommage.

L’arrêt Carter met l’accent sur la portée limitée de la négligence liée à la perte purement économique et sur l’indemnisation à cet égard, et guidera probablement les futurs tribunaux dans leur interprétation des Aliments Maple Leaf. Des décisions semblables dans d’autres administrations canadiennes feront probablement de même. Par exemple, dans 0790482 B.C. Ltd v KBK No 11 Ventures Ltd, une affaire de la Colombie-Britannique, les demandeurs propriétaires d’unités n’ont pas recouvré les coûts de réparation des fenêtres extérieures prétendument dangereuses de l’hôtel ShangriLa parce qu’ils n’ont pas plaidé un « danger réel et substantiel » pour leur propriété (c.-à-d. leurs unités). À l’avenir, les tribunaux canadiens continueront probablement d’examiner les exigences relatives à la « menace imminente » et au « danger réel et substantiel » et à clarifier davantage les coûts requis pour éviter un préjudice.

Réclamations de garantie

Dans l’arrêt Carter, la Cour a également refusé de certifier les réclamations des demandeurs pour violation de la garantie expresse et violation des garanties implicites en vertu de la législation sur la protection des consommateurs dans l’ensemble du Canada, soulignant la difficulté de certifier ces réclamations.

La réclamation pour violation de la garantie expresse a été jugée viciée parce que les demanderesses ont cherché à recouvrer des dommages-intérêts pour des défauts de conception allégués qui se sont produits en dehors des conditions de la garantie expresse, plutôt que pour des défauts de matériaux ou de fabrication qui se sont produits dans les conditions de la garantie. La réclamation pour violation de garantie implicite était viciée parce qu’il n’y avait pas de lien contractuel entre Ford et les demanderesses, puisque les garanties expresses sont des contrats pour la fourniture de services plutôt que de biens.

La Cour a statué que les deux types de demandes de garantie n’étaient pas communs en raison de leur variabilité inhérente. De plus, la violation des réclamations de garantie implicites manquait de points communs en raison des régimes législatifs provinciaux variables.

Carter illustre les défis à relever lors de la demande de certification des réclamations pour violation de garantie, que ce soit en raison de la variabilité inhérente de ces réclamations ou de la réticence des tribunaux à étendre les protections de garantie expresses au-delà de leurs conditions ou à contourner les exigences de lien contractuel. À l’avenir, nous nous attendons à ce que les tribunaux canadiens continuent d’examiner attentivement les demandes dans les recours collectifs visant à certifier les demandes de garantie.

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