Le placement privé comme tactique défensive est considéré dans le contexte des nouvelles règles sur les offres publiques d’achat

01 novembre 2016

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Écrit par Brent Kraus, Linda Misetich Dann, Kelly Ford and Patrick Sullivan

Le 24 octobre 2016, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique et la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (ensemble, les commissions) ont publié leurs motifs très attendus de leur ordonnance du 22 juillet 2016, Dans l’affaire Hecla Mining Company (Hecla), qui fournissent des indications aux émetteurs qui envisagent de savoir si un placement privé serait considéré comme une tactique défensive inappropriée dans le contexte d’une offre publique d’achat non sollicitée.

Le comité mixte a décidé de ne pas cesser l’échange d’un placement privé d’actions ordinaires lancé par Dolly Varden Silver Corporation (Dolly Varden) à la suite de l’annonce par Hecla Mining Company (Hecla) de son intention de faire une offre non sollicitée pour acquérir toutes les actions en circulation de Dolly Varden (l’offre hecla). La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a également cessé d’négocier l’offre de Hecla jusqu’à ce qu’elle obtienne et délivre aux actionnaires de Dolly Varden une évaluation officielle conformément au Règlement 61-101 sur la protection des actionnaires minoritaires lors d’opérations particulières (Règlement 61-101). Hecla s’est retirée et a mis fin à son offre après l’annonce des ordonnances.

Les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières ont déjà considéré le recours à des placements privés comme tactiques défensives dans le contexte d’offres publiques d’achat non sollicitées. L’Alberta Securities Commission a conclu dans ARC Equity Management (Fund 4) Ltd. (ARC) qu’un placement privé par l’émetteur cible en réponse à une offre publique d’achat non sollicitée n’est pas nécessairement abusif à l’égard des marchés financiers ou des droits des actionnaires cibles. Cette décision a par la suite été suivie par la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique dans sa décision dans l’affaire Re Red Eagle publiée l’an dernier. Les motifs de l’affaire Hecla sont conformes à cette jurisprudence antérieure et s’appuient sur celle-ci.

Implications des motifs dans l’affaire Hecla

Les motifs publiés par le comité mixte dans l’affaire Hecla indiquent que les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières adopteront une approche nuancée et axée sur les faits pour évaluer les placements privés intentés par la cible d’une offre publique d’achat non sollicitée. Dans l’évaluation d’un tel placement privé, les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières chercheront à trouver un équilibre entre le jugement d’affaires du conseil d’administration de la société cible et leur mandat de protéger l’intégrité des marchés financiers. Par conséquent, les conseils d’administration ciblés devraient examiner s’ils ont, et ont des preuves à l’appui, des raisons commerciales légitimes d’entreprendre un placement privé face à une offre non sollicitée, avant de prendre une telle mesure.

Contexte des motifs de l’affaire Hecla

Le 27 juin 2016, Hecla a annoncé son intention de faire une offre publique d’achat pour toutes les actions en circulation de Dolly Varden. L’offre de Hecla était une offre d’initié en vertu du Règlement 61-101, car Hecla détenait des actions et des titres convertibles représentant au total 19,8 % des actions de Dolly Varden émises et en circulation à la date d’annonce de l’offre de Hecla.

Le 5 juillet, Dolly Varden a annoncé son intention de lever jusqu’à 6 millions de dollars dans le cadre d’un placement privé d’actions ordinaires, ce qui, s’il était entièrement souscrit, entraînerait la dilution des actionnaires existants d’environ 43 pour cent à la clôture.

Le 8 juillet, Hecla a officiellement lancé l’offre de Hecla et a déposé une demande auprès de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique en vue d’interposer toute action devant être émise dans le cadre du placement privé, au motif qu’il s’agissait d’une tactique défensive abusive en vertu de la Politique nationale 62-202 Offres publiques - Tactiques défensives (NP 62-202). La même demande a été déposée par Hecla auprès de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario le 16 juillet.

Le 16 juillet, Dolly Varden a déposé une demande auprès des Commissions en vue d’obtenir une ordonnance de cesser d’être négociée dans le cadre de l’offre publique d’achat de Hecla au motif que la circulaire d’offre publique d’achat de Hecla était déficiente, car elle ne comprenait pas d’évaluation officielle comme l’exige le Règlement 61-101.

Le 22 juillet, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a rendu son ordonnance rejetant la demande de Hecla et cessant d’échanger l’offre de Hecla jusqu’à ce que les exigences du Règlement 61-101 soient satisfaites. Le même jour, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a rejeté les demandes de Hecla et de Dolly Varden. Hecla s’est retirée et a mis fin à son offre après l’annonce des ordonnances.

Décision conjointe sur la demande Hecla

Les Commissions ont conclu que les placements privés, contrairement aux régimes de droits des actionnaires, servent divers objectifs de l’entreprise et doivent être évalués d’une manière qui favorise la certitude dans la prise de décisions d’entreprise, mais empêche néanmoins les conseils d’administration cibles de conclure des opérations abusives.

Les commissions étaient d’accord avec l’approche générale adoptée par la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique dans l’affaire Re Red Eagle et la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta dans l’affaire ARC :

Nous sommes d’accord avec la perspective stratégique de l’ARC, à savoir que les organismes de réglementation des valeurs mobilières devraient faire preuve de prudence dans ce domaine et qu’un placement privé ne devrait être bloqué par les organismes de réglementation des valeurs mobilières que lorsqu’il y a un abus évident des actionnaires cibles et/ou des marchés financiers.

Toutefois, ils ont élargi cette approche en fournissant un critère en deux parties pour déterminer l’analyse appropriée d’un placement privé dans le contexte de l’offre publique d’achat. La première partie examine si la décision de l’entreprise peut faire l’objet d’un examen approprié en vertu de la PN 62-202. Cette décision doit être prise en fonction de la question de savoir si la preuve établit clairement que le placement privé a été conçu pour modifier le processus d’appel d’offres comme tactique défensive. Les considérations pertinentes pour répondre à cette question sont les suivantes: i) si l’objectif a un besoin sérieux et immédiat de financement; (ii) s’il existe des preuves d’une stratégie d’affaires de bonne foi, non défensive, adoptée par la cible; et (iii) si le placement privé a été planifié ou modifié en réponse à une offre ou en prévision d’une offre.

La deuxième partie du critère s’applique lorsque l’organisme de réglementation n’est pas en mesure de conclure clairement que le placement privé est une tactique défensive qui peut faire l’objet d’un examen en vertu de la norme NP 62-202. Dans ces circonstances, l’organisme de réglementation cherchera à trouver un équilibre entre l’application des principes énoncés dans l’avis 62-202 et l’exercice du jugement commercial du conseil. Les Commissions ont énuméré une liste non exhaustive de facteurs dont il faut tenir compte pour décider d’intervenir ou non dans ces circonstances.

Les Commissions ont également fait remarquer que lorsque le placement privé a un effet important sur une offre existante, comme ce fut le cas dans l’affaire Hecla (il a entraîné une dilution de 43 % pour les actionnaires actuels de Dolly Varden), il incombe à la cible d’établir que le placement privé n’était pas une tactique défensive.

Les Commissions ont conclu que le placement privé de Dolly Varden avait été mis en place à des fins commerciales non défensives et de bonne foi et que les principes énoncés dans l’avis de décision 62-202 étaient donc inapplicables. Ils ont constaté que Dolly Varden envisageait un financement par capitaux propres des mois avant l’offre de Hecla dans le cadre de son objectif de réduction de la dette. Le montant à amasser a répondu aux besoins de trésorerie de Dolly Varden pour rembourser son prêt à terme actuel et financer son programme d’exploration 2016-2017. Dans les circonstances, les Commissions ont conclu qu’il n’était pas approprié de remettre en question le jugement commercial de la Commission et les demandes de Hecla ont été rejetées.

Décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario sur la demande de Dolly Varden

La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique ont fourni des motifs distincts à l’appui de leur ordonnance relative à la demande de Dolly Varden visant l’interdiction d’opérations dans le cadre de l’offre de Hecla, qui est déficiente en vertu du Règlement 61-101.

La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a déclaré qu’une exigence d’évaluation formelle en vertu du Règlement 61-101 était essentielle dans le contexte d’une offre d’initié. Hecla a affirmé qu’elle disposait d’une exemption de l’exigence en vertu du Règlement 61-101, laquelle exemption serait disponible si Hecla n’avait pas de représentation du conseil d’administration ou de la direction cible au cours des 12 derniers mois et n’avait aucune connaissance de renseignements importants concernant la cible qui n’avaient pas été généralement divulgués.

Ici, la PDG de Dolly Varden, Rosalie Moore, était auparavant une employée de Hecla et avait été consultante rémunérée pour Hecla jusqu’en janvier 2016. Ses postes précédents d’administratrice et de présidente-directrice générale de Dolly Varden avaient été facilités par Hecla et avaient été décrits comme un « détachement » auprès de Dolly Varden. La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a déterminé que Hecla avait fait représenter Dolly Varden au conseil d’administration par l’intermédiaire de Mme Moore et qu’il ne s’agissait pas d’un « appel serré ». À la lumière de cette conclusion, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’examiner si Hecla possédait des renseignements importants concernant Dolly Varden qui n’avaient pas été généralement divulgués.

La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a conclu que l’offre de Hecla n’était pas conforme au Règlement 61-101 et a cessé de négocier l’offre de Hecla jusqu’à ce qu’une évaluation officielle soit obtenue et envoyée aux actionnaires de Dolly Varden en tant qu’addenda à la circulaire d’offre publique d’achat de Hecla.

Conclusion

Hecla est le premier cas où des tactiques défensives ont été envisagées depuis l’adoption du nouveau régime d’offre publique d’achat le 9 mai 2016, qui a largement évité l’utilité des régimes de droits des actionnaires, la tactique défensive la plus couramment envisagée par les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières avant cette date. Les placements privés, contrairement aux régimes de droits des actionnaires, servent une variété d’objectifs corporatifs et, par conséquent, les Commissions ont estimé qu’ils doivent être évalués d’une manière qui favorise la certitude dans la prise de décisions d’entreprise, mais qui empêche néanmoins les conseils d’administration cibles de conclure des opérations abusives.

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