Bennett Jones Perspectives économiques du printemps 2021 : au-delà de la COVID

22 juin 2021

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Bien que la reprise économique après la pandémie à ce jour, à l’échelle internationale et au Canada, ait été inégale et cahoteuse, une grande partie de la production et des emplois a été rétablie, et les perspectives pour les économies avancées sont solides.

Si une attention immédiate doit encore être portée sur la lutte durable contre la pandémie, le moment est venu pour le Canada de regarder au-delà de la COVID, et d’articuler et d’exécuter une stratégie d’investissement et d’amélioration à long terme de notre compétitivité, de notre productivité et de notre niveau de vie.

Les perspectives d’ici la fin de 2023

Dans notre scénario de référence, en supposant que le rythme de la vaccination soit maintenu, voire accéléré, nous nous attendons à ce que la reprise dans les économies avancées passe à la vitesse supérieure au second semestre de 2021, avant de s’atténuer progressivement au cours des deux prochaines années. La production reviendrait à son niveau d’avant la pandémie d’ici le troisième trimestre de 2021 et reviendrait à son niveau de tendance d’avant la pandémie d’ici la fin de 2022.

Ces perspectives à court terme se sont considérablement améliorées depuis l’automne dernier. Une économie américaine plus forte, aidée par des mesures de relance budgétaire plus importantes et un déploiement plus rapide des vaccins que nous ne le supposions, sous-tend des perspectives plus positives. 

Pour le Canada, de même, nous nous attendons à ce que la croissance s’accélère au second semestre de 2021, avant de ralentir au cours des deux prochaines années. Le PIB réel augmenterait de 5,5 % en 2021 (c.-à-d. entre le quatrième trimestre de 2020 et le quatrième trimestre de 2021), de 2,6 % en 2022 et de 1,9 % en 2023. 

Plusieurs facteurs aideront l’économie canadienne à retrouver son potentiel au second semestre de 2022 et à le dépasser légèrement en 2023 : l’amélioration de la confiance des ménages et des dépenses; la forte demande des États-Unis pour nos exportations, y compris le tourisme; les prix élevés des produits de base; la réaction des investissements des entreprises à l’amélioration des perspectives; et a continué, les conditions financières globalement accommodantes. Cela sera atténué, mais seulement en partie, par une réduction du soutien financier des gouvernements, un dollar canadien fort et une pénurie d’intrants industriels et de main-d’œuvre dans certains secteurs de l’économie.

Principaux risques pour les perspectives

L’évolution de la pandémie continue de représenter le risque prédominant pour les perspectives économiques mondiales et canadiennes. Une vaccination soutenue et des mesures de santé publique efficaces, y compris à nos frontières, sont nécessaires pour contenir la pandémie de manière durable. En effet, aucune solution ne sera définitive tant qu’il n’y aura pas un succès mondial plus large dans la gestion et, espérons-le, l’éradication de COVID-19. 

Le deuxième risque clé est l’inflation et les taux d’intérêt. La croissance soutenue de la demande de biens aux États-Unis et en Chine a déjà stimulé la demande d’intrants industriels et fait monter les prix des produits de base. Le resserrement des chaînes d’approvisionnement et l’ajustement à la reprise ont également entraîné de fortes hausses des prix de certains intrants intermédiaires, de l’expédition aux semi-conducteurs.

Bien qu’il y ait beaucoup d’incertitude quant à la persistance de ces pressions sur les coûts, dans l’ensemble, nous nous attendons à ce qu’elles commencent à s’atténuer d’ici la fin de 2021. Par rapport à nos perspectives pour l’économie américaine, nous pensons qu’une Réserve fédérale « dépendante des données », appliquant son nouveau cadre, commencera à réduire les achats d’obligations au premier semestre de 2022 et commencera enfin à relever le taux directeur d’ici la fin de 2022.

Il y a toutefois un risque que l’inflation aux États-Unis augmente plus, et plus longtemps que prévu, en raison de pressions plus persistantes sur les coûts et/ou de la surchauffe de l’économie. Cela pourrait entraîner des taux d’intérêt plus élevés en 2022 et une croissance plus lente que prévu par la suite. En effet, un débat sérieux est en cours au sujet de la possibilité que l’inflation tendanciente dans les économies avancées soit plus élevée à moyen terme qu’au cours des deux dernières décennies d’inflation généralement inférieure à la cible. 

Dans ce contexte, nous proposons dans ces perspectives certaines hypothèses de planification pour les entreprises d’ici la fin de 2023, y compris la croissance du PIB, l’inflation et les taux d’intérêt aux États-Unis et au Canada.

Une reprise solide du marché du travail, mais la pandémie a mis en évidence des défis structurels 

Conformément à notre scénario de référence, l’emploi total au Canada devrait revenir au niveau d’avant la pandémie dès la fin de l’année. D’ici le deuxième trimestre de 2023, le taux d’emploi et le taux de chômage pourraient également revenir à leurs niveaux de février 2020. 

Dans le budget de 2021, le gouvernement du Canada a entrepris une réduction progressive et un ajustement des programmes d’urgence mis en place pendant la pandémie. Compte tenu de la reprise robuste, des effets de distorsion des interventions si elles sont prolongées et des coûts élevés des programmes, cela est généralement approprié. 

La perturbation du marché du travail causée par la pandémie a été fortement différenciée selon le secteur et le segment de la population active. Ses impacts seront ressentis plus longtemps par les travailleurs plus vulnérables. Il y aura également des changements permanents dans notre façon de travailler, par exemple avec plus de Canadiens qui devraient continuer à travailler à domicile, au moins pendant une partie de leur semaine de travail.

Tirant les leçons de la pandémie et en regardant au-delà de la nature changeante du travail, les politiques du marché du travail nécessitent une attention accrue pour favoriser la croissance et l’inclusion.

En particulier, la pandémie a accéléré la tendance structurelle à la perte d’emplois peu qualifiés au service de l’automatisation. Le besoin est plus grand que jamais d’un cadre d’apprentissage et de perfectionnement des compétences tout au long de la vie qui englobe l’apprentissage des jeunes enfants, l’éducation (compétences en littératie et microcertification), l’apprentissage et la formation en cours d’emploi, ainsi que la requalification et le perfectionnement des compétences des travailleurs.
Malheureusement, le Canada a toujours sous-investi dans le perfectionnement des compétences. Dans le secteur public, il n’existe pas de bulletin de rendement normalisé accessible au public sur la réussite des programmes de formation axée sur les compétences existants aux niveaux fédéral et provincial. Dans le secteur privé, les exigences d’embauche et les programmes de formation ne favorisent généralement pas l’acquisition d’expérience et de compétences par les travailleurs les plus vulnérables. De nombreux rapports et un consensus émergent parmi les experts identifient des pistes d’amélioration. 

La pandémie a également ajouté à la pression exercée sur le Canada pour qu’il améliore l’accès aux services de garde d’enfants. Les jeunes travailleuses à bas salaires ont été parmi les plus durement touchées par la pandémie. Bon nombre d’entre eux ont quitté le marché du travail pour s’occuper de leurs enfants. 

Un plan pancanadial d’apprentissage et de garde des jeunes enfants représentait l’engagement à long terme le plus important du budget fédéral de 2021. Bien que le nouveau financement proposé soit important, les détails de la mise en œuvre ne sont pas liés. L’objectif d’un partage des coûts fédéral-provincial de 50/50 et l’intention d’appliquer les normes fédérales pour la prestation signifient que la conclusion d’une entente avec les provinces sera une tâche ardue. Les meilleures approches pour soutenir la croissance à long terme répondraient non seulement aux besoins des parents qui travaillent, mais aussi aux besoins de développement précoce des enfants. 

Les gouvernements du Canada ne sont pas sur la bonne voie de la viabilité financière à moyen terme 

Nos dernières perspectives proposaient deux points d’ancrage budgétaires permettant aux gouvernements d’assurer la viabilité des finances publiques : un ratio de la dette au PIB en baisse; et une règle de 10 % en vertu de laquelle les dépenses de programmes devraient être restreintes afin que le ratio projeté des coûts du service de la dette aux revenus ne dépasse pas 10 %. 

En tenant compte de la dette accumulée pendant la pandémie, des plans financiers actuels des gouvernements et des hypothèses raisonnables de croissance et de taux d’intérêt, nous concluons que le cadre financier fédéral a peu de chances d’être viable. La viabilité des finances nationales, y compris les budgets des gouvernements fédéral et provinciaux, est encore plus ténue. 

Collectivement, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent reconnaître publiquement que si l’on veut maintenir la qualité des services publics (y compris les transferts de revenus), et encore moins l’améliorer ou l’élargir, il faudra augmenter les impôts. À long terme, la viabilité des finances publiques dépend aussi essentiellement de la croissance économique, qui à son tour dépend de la croissance de l’investissement et de la productivité.

Les arguments en faveur d’une stratégie de croissance

Alors que les gouvernements et les entreprises se concentrent jusqu’à présent sur la réouverture de l’économie et la récupération des pertes de production et d’emplois, il y a eu moins d’attention sur la reconstruction de notre économie pour un monde post-COVID.

Bien que les Canadiens souhaitent, à juste titre, après une crise historique, que l’économie revienne à la normale et que les entreprises et les travailleurs jouissent d’une plus grande sécurité, il n’y a, en fait, aucun état stable confortable à venir. Au-delà de la COVID, le Canada doit inverser deux tendances qui datent d’avant la pandémie et qui, si rien n’est fait, seront défavorables à notre richesse et à notre prospérité.

La première tendance est la baisse de l’investissement productif en proportion de notre économie, qui a été importante depuis la crise financière mondiale. La deuxième tendance, en partie la conséquence naturelle de la première, mais aussi de longue date et le résultat de nombreux facteurs, est une érosion progressive de notre position sur les marchés mondiaux. 

Les deux tendances réunies se traduisent par des emprunts nets plus élevés auprès du reste du monde. 

Il est donc prioritaire pour le Canada d’allouer une plus grande part de l’activité économique à l’investissement dans les facteurs de production – les immobilisations physiques, humaines et incorporelles – qui permettront à notre économie de mieux performer sur les marchés mondiaux. Cela sera facilité par une stratégie de croissance pour le pays. 

Une stratégie de croissance n’est pas une politique industrielle à l’ancienne, avec une forte intervention et des dépenses du gouvernement dans tous les secteurs de l’économie. Fondamentalement, une stratégie réussie doit être une stratégie qui est facile à comprendre, représente un consensus entre les décideurs et les autres principaux acteurs de l’économie, et sur laquelle on peut compter pour durer à moyen terme et même au-delà. 

À un niveau plus granulaire, une stratégie nécessite une évaluation des politiques structurelles telles que la concurrence, la fiscalité (taux d’imposition et structure du système), la réglementation, la propriété intellectuelle, le commerce international et l’investissement, ainsi que des initiatives ciblées pour soutenir l’ajustement au changement. 

Il y a déjà eu de nombreuses contributions, y compris de la part de dirigeants du secteur privé, à l’élaboration d’une stratégie. Ce qu’il faut maintenant, c’est une articulation claire, un engagement continu des secteurs public et privé et un accent sur l’exécution. 

Une stratégie de croissance doit être sensible, en particulier, à deux forces mondiales : le changement climatique et la numérisation de l’économie. 

En ce qui concerne le climat, le Canada doit non seulement poursuivre les cibles nationales en matière d’émissions, mais aussi chercher des sources d’avantage concurrentiel alors que le système énergétique et l’économie mondiaux se dirigent vers des émissions plus faibles et, en fin de compte, nettes nulles. Cela comprend la décarbonisation de notre industrie pétrolière et gazière d’une manière qui réalise la valeur de nos ressources et qui crée des possibilités d’exportation future de solutions énergétiques. De même, notre industrie des véhicules automobiles et de leurs pièces doit situer son avenir dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pour les véhicules intelligents et propres. Notre approche du climat peut s’inscrire dans un engagement à prendre l’initiative sur l’ESG, répondant ainsi également aux attentes changeantes des investisseurs et des consommateurs. 

De même, notre économie doit prendre la pleine mesure de l’impact de la numérisation dans l’ensemble de l’économie et de la valeur des plateformes technologiques et des données pour la génération de richesse et de prospérité. L’économie numérique et ses forces où le gagnant rafle tout exigent qu’il y ait des efforts concertés par l’entremise de cadres stratégiques de concurrence, d’investissement, de propriété intellectuelle et de gestion des données afin de créer l’espace nécessaire pour que les entreprises canadiennes émergent, prennent de l’expansion et s’emparent de parts de marché mondiales.

Positionner le Canada à l’échelle mondiale et gérer ses relations commerciales

Une stratégie de croissance s’appuiera sur nos relations avec les principaux partenaires économiques mondiaux, et nous aidera ensuite à les guider. 

Malgré les nombreux défis et irritants passés, présents et futurs, il n’y a toujours pas de relation plus importante pour le Canada que celle avec les États-Unis, et aucun signal économique, politique et commercial n’est plus pertinent pour nous que ceux qui viennent du sud de notre frontière. Au cours de ses premiers mois, l’administration Biden a mis en œuvre des plans ambitieux qui créent un contexte nouveau et évolutif pour les gouvernements et les entreprises du Canada sur au moins cinq fronts : la macroéconomie, la compétitivité, la fiscalité, le climat et les relations internationales. Sur chacun de ces fronts, il y a des possibilités pour le Canada, certains dangers potentiels et des domaines de coopération. La gestion productive de la relation, y compris sur le commerce, ne sera pas facile, mais c’est une condition sine qua non pour toute stratégie de croissance.

Le système commercial mondial se trouve à un moment critique. La pandémie a mis en évidence l’état fragile des chaînes d’approvisionnement mondiales et la nécessité de les rendre plus résilientes. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’efforce de rétablir à la fois ses fonctions de négociation et de règlement des différends. La politique commerciale de l’administration Biden en est encore à ses débuts. Les principaux partenaires du Canada , de la Chine au Royaume-Uni, sont tous aux prises avec la façon de gérer leur programme commercial dans ce contexte en évolution.

Au fur et à mesure que les règles du commerce mondial sont négociées, nos entreprises doivent non seulement adapter leurs stratégies commerciales et leurs plans d’investissement pour en tirer le meilleur parti, mais elles doivent aussi collaborer avec les gouvernements à l’élaboration de notre programme commercial. À l’heure actuelle, les priorités du Canada comprennent la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), la réforme de l’OMC en vue d’un environnement commercial multilatéral qui fonctionne bien et la diversification de nos échanges commerciaux afin de tirer parti des nouvelles possibilités de croissance, sur les plans géographique et sectoriel.

L’expansion des investissements et l’amélioration du commerce mondial pourraient contribuer à stimuler la croissance à long terme et à assurer, bien au-delà de la COVID, et au-delà de ce qui est maintenant une forte reprise, une hausse des revenus, de meilleurs bilans pour les gouvernements, les entreprises et les ménages et un meilleur niveau de vie pour les Canadiens. 

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