Dans sa récente décision dans l’affaire Ingram v Kulynych Estate1, la Cour d’appel de l’Ontario a clarifié le délai pour présenter des réclamations en fiducie en equity contre des successions, concluant que ces réclamations sont assujetties au délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 38(3) de la Loi sur les fiduciaires2 , plutôt qu’au délai de prescription de 10 ans prévu à l’article 4 de la Real Property Limitations Act3 (RPLA). La décision a également confirmé le cadre analytique permettant de déterminer quelle disposition de prescription s’applique.
En 2017, M. Kulynych est décédé, ne laissant rien dans son testament à sa conjointe de fait, Mme Ingram, avec qui il était en union de fait depuis près de deux décennies.
Quatre ans après le décès de M. Kulynych, Mme Ingram a intenté une requête contre la succession. Elle a affirmé qu’elle avait soutenu M. Kulynych financièrement et émotionnellement jusqu’à sa mort. Sur cette base, Mme Ingram a affirmé, entre autres choses, qu’elle était bénéficiaire d’une fiducie en equity et qu’elle avait droit à une part des actifs de la succession, soutenant que M. Kulynych s’était injustement enrichi en louant sa maison alors qu’elle vivait chez elle au cours de leur relation.
La succession a présenté une requête en rejet de la demande de Mme Ingram au motif qu’elle était prescrite en vertu du sous-alinéa 38(3) de la Loi sur les fiduciaires, qui prévoit un délai de prescription de deux ans à l’égard des réclamations contre une succession pour des torts commis par une personne décédée. Toutefois, le juge saisi de la requête a conclu que la réclamation de Mme Ingram était une réclamation de biens en vertu de l’article 4 de la LRPC, qui prévoit un délai de prescription de 10 ans à l’égard des réclamations pour un intérêt dans un immeuble, et non un « tort » commis par la personne décédée comme l’exige le pareaux 38(2) de la Loi sur les fiduciaires. Le juge saisi de la requête a donc appliqué le délai de prescription de 10 ans prévu à l’article 4 de la LRPA et a rejeté la requête de la succession.
L’actif a interjeté appel de la décision du juge saisi de la requête, alléguant qu’il n’y avait pas de réclamation en fiducie en equity et, si c’était le cas, qu’elle était prescrite par le par. 38(3) de la Loi sur les fiduciaires.
La Cour d’appel a accueilli l’appel et a conclu que la réclamation de Mme Ingram à une fiducie en equity était prescrite. Ce faisant, la Cour a d’abord examiné la décision du juge saisi de la requête, en appliquant l’approche analytique de l’arrêt Banque de Montréal c. Iskenderov (Iskenderov)4, y compris les facteurs suivants :
En appliquant ces facteurs, la Cour a souligné l’intention du législateur d’imposer des délais de prescription plus courts dans le contexte de la succession, déclarant que « les considérations de principe sous-jacentes pour un délai de prescription de deux ans s’appliquent à toutes les réclamations successoraux visées par le paragraphe 38(2) de la Loi sur les fiduciaires ».
La Cour a également statué que le juge saisi de la requête avait interprété le mot « tort » au par. 38(2) de la Loi sur les fiduciaires de façon trop étroite en le limitant uniquement à la conduite délictuelle, soulignant qu’il comprend tous les torts pouvant donner lieu à une action, y compris l’enrichissement sans cause. Par conséquent, la réclamation de Mme Ingram s’inscrivait dans le champ d’application du mot « faux » au par. 38(2) de la Loi sur les fiduciaires.
Notamment, il a été conclu que la demande de fiducie en equity de Mme Ingram était visée par les dispositions de la Loi sur les fiduciaires, car elle réclamait un enrichissement sans cause contre tous les actifs de la succession, et non seulement les biens immobiliers. La Cour a donc conclu que la demande de fiducie en equity de Mme Ingram était prescrite par le délai de prescription de deux ans, car elle s’était cristallisée au décès de M. Kulynych.
En Ontario, le tribunal utilisera l’approche analytique d’Iskenderov pour déterminer quel délai de prescription s’applique lorsqu’il n’est pas expressément résolu par la loi. Cette approche consiste à examiner l’objet et l’historique du législateur, le traitement judiciaire et le libellé des lois.
Les réclamations en fiducie en equity contre une succession sont assujetties au délai de prescription de deux ans prévu au par. 38(3) de la Loi sur les fiduciaires, plutôt qu’au délai de prescription de 10 ans prévu à l’article 4 de la LRPA. Le terme « tort » au par. 38(2) comprend tous les torts pouvant donner lieu à une action, y compris l’enrichissement sans cause. Cette interprétation générale souligne la nécessité pour les demandeurs de s’assurer que leurs demandes sont correctement plaidées.
À la lumière de la décision de la Cour d’appel, les demandeurs qui ont des réclamations potentielles en fiducie en equity contre une succession devraient agir rapidement après la date du décès. Pour les fiduciaires de la succession, ce délai de prescription de deux ans fournit un délai clair, ce qui leur permet d’administrer et d’effectuer en toute confiance les distributions de la succession si aucune réclamation n’est faite dans le délai de deux ans.
1 2024 ONCA 678.
2 RRP 1990, c T.23.
3 RRP 1990, c L.15.
4 2023 ONCA 528.