Dans Frayce v. BMO Investor Line Inc. et al, 2023 ONSC 16 [Frayce], le supérieur de la justice de l’Ontario a refusé d’accréditer un recours collectif intenté par des investisseurs lésés pour aborder la pratique controversée des « commissions de suivi » payées par les gestionnaires de fonds communs de placement aux courtiers à escompte. Les commissions de suivi des fonds communs de placement (MFTCs) sont des frais payés par les gestionnaires de fonds communs de placement (à partir des fonds des investisseurs) aux courtiers à escompte pour des services liés à des placements dans des fonds communs de placement. La décision a d’importantes répercussions sur les recours collectifs intentés dans le cadre d’industries réglementées, car elle met en évidence la distinction essentielle entre l’illégalité légale de certaines conduites et la question de savoir si la responsabilité peut être imposée à l’égard de cette même conduite dans le contexte préréglemental réglementaire.
Dans Frayce, la catégorie putative d’investisseurs a fait valoir que la pratique consistant à payer des MFTCs à des courtiers à escompte nuisait aux investisseurs et, surtout, contrevenait aux lois sur les valeurs mobilières applicables, avant même que la pratique ne soit interdite en juin 2022.
En ce qui concerne la requête en accréditation, la question fondamentale était de savoir s’il y avait « des éléments de preuve » que la pratique consistant à imposer des MFTCs contrevenait à la loi canadienne sur les valeurs mobilières, avant que l’interdiction de cette pratique n’entre en vigueur en juin 2022. Les demandeurs ont convenu que si la réponse à cette question était « non », alors il n’y aurait aucun fondement pour leurs causes d’action plaidées contre les défendeurs, à savoir la rupture de contrat, la négligence, l’enrichissement sans cause, la réception consciente et l’aide consciente. Il n’y aurait pas non plus de fondement pour les autres questions communes et revendications de dommages-dommages-garanties proposées, et le recours collectif proposé par les demandeurs s’effondrerait et la certification serait rejetée.
La Cour a finalement conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni « une preuve d’illégalité ». Par conséquent, il n’y avait aucun fondement pour aucune de leurs causes d’action plaidées et, par conséquent, aucun fondement pour un recours collectif. La Cour est arrivée à cette conclusion pour trois raisons principales.
Premièrement, et c’est crucial, les demandeurs ne pouvaient pas indiquer de disposition sur les valeurs mobilières antérieure à 2022 interdisant expressément la pratique contestée. En l’absence d’une telle disposition, les demandeurs ont tenté de s’appuyer sur des normes de pratique générales, y compris les principes de l'« utilisation équitable » et de l'« évitement des conflits d’intérêts », et ont soutenu que celles-ci équivalaient à une interdiction de facto des MFTCs. Toutefois, la Cour a conclu que cette position avait échoué parce que (1) de l’aveu même des demandeurs, les courtiers à escompte ne peuvent pas fournir et ne fournissent pas de « conseils » en matière de placement et, par conséquent, il n’était pas clair comment et où un conflit d’intérêts pouvait survenir, (2) de nombreux contrats de compte des défendeurs divulguaient expressément leur réception et leur conservation des MFTCs, et (3) ni les dispositions relatives à l'« utilisation équitable » ni aux « conflits d’intérêts » des lois sur les valeurs mobilières applicables n’ont jamais été utilisées dans une procédure d’application de la loi contre un courtier à escompte pour les MFTCs.
Deuxièmement, les demandeurs n’ont fourni aucune opinion d’expert établissant un lien entre les dispositions relatives à l'« utilisation équitable » ou aux « conflits d’intérêts » et une conclusion d'« illégalité » globale des MFTCs.
Troisièmement, les demandeurs n’ont fourni qu’un seul élément de preuve crédible de tiers à l’appui de l’opinion selon laquelle les TSMC ont contrevenu aux lois canadiennes sur les valeurs mobilières avant 2022, soit une lettre d’un organisme de défense des investisseurs à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), déclarant que « la surfacturation des clients n’est pas compatible avec le fait de traiter assez honnêtement et de bonne foi avec les clients » et demandant à l’OCRCVM « d’appliquer la loi et de sanctionner ces sociétés, mettre fin immédiatement à cette pratique et prévoir une restitution complète aux investisseurs qui ont été exploités.
Bien que cette lettre ait failli prouver « une certaine preuve d’illégalité », de l’avis de la Cour, elle était insuffisante car elle était contredite par une grande partie des autres éléments de preuve des demandeurs présentés sur la requête. Par exemple:
En résumé, la Cour a conclu que la preuve déposée dans le cadre de la requête appuyait fortement la position des défendeurs selon laquelle « la pratique consistant à verser des commissions de suivi aux courtiers à escompte, bien que controversée et nécessitant une réforme, n’était pas illégale ou illégale jusqu’à ce que la loi soit modifiée à compter du 1er juin 2022 ».
N’ayant pas satisfait à l’exigence d’une « certaine preuve d’illégalité » pour la question commune qu’ils proposaient fondamentalement, il n’y avait aucun fondement pour les causes d’action plaidées par les demandeurs, et donc aucun fondement pour un recours collectif. La Cour a donc rejeté la requête en accréditation des demandeurs.
Frayce est une décision importante pour les recours collectifs intentés dans les industries réglementées. La décision de la Cour confirme que même lorsqu’une pratique contestée est récemment interdite ou réglementée, les demandeurs du groupe doivent tout de même fournir une preuve suffisante que la pratique était illégale dans son contexte antérieur à l’interdiction afin de satisfaire à l’exigence de « certaines preuves » pour la certification.
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