La Cour d’appel de la Colombie-Britannique applique la norme de contrôle de la décision correcte à une sentence arbitrale internationale

10 février 2022

Écrit par Christopher Petrucci, Artem N. Barsukov, FCIArb, Chris Abtosway and Evan Hall

Au cours des dernières années, il y a eu beaucoup d’incertitude au Canada quant à la norme de contrôle applicable aux appels de sentences arbitrales nationales. Cette incertitude découlait en grande partie des points de vue contradictoires exprimés par la Cour suprême du Canada dans ses décisions Sattva Capital Corp c Creston Moly Corp, 2014 CSC 53 et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

Il n’était pas clair non plus dans quelle mesure ces points de vue contradictoires s’appliquaient à l’arbitrage international, où la réparation qui se trouve contre une sentence est une demande d’annulation, plutôt qu’un appel sur le fond. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a clarifié cette incertitude dans sa récente décision dans l’affaire Lululemon Athletica Canada Inc. c Industrial Color Productions Inc, 2021 BCCA 428 [lululemon].

Dans l’arrêt lululemon, la Cour a confirmé que la norme de contrôle qui s’applique dans le contexte d’une demande d’annulation d’une sentence arbitrale internationale fondée sur l’absence de compétence du tribunal arbitral est celle de la « décision correcte » et non du « caractère raisonnable ». En vertu de cette norme, la Cour peut également examiner de nouveaux éléments de preuve dans une demande d’annulation d’une sentence internationale et n’est pas tenue de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions du tribunal sur la question. Cette décision est conforme à la pratique de l’arbitrage international dans de nombreux pays, où les demandes de mise en jachère sont généralement examinées sur une base de novo.

Historique

Le différend en cause dans la décision lululemon a pris naissance après que lululemon Athletica Canada Inc. (lululemon) a choisi de résilier une entente de service avec Industrial Colour Productions Inc. (ICP) pour des services de production photographique sans motif.

Les parties n’ont pas été en mesure de s’entendre sur les montants dus au PCI, et le PCI a entamé un arbitrage international sous les auspices du Centre international pour le règlement des différends (CIDR), conformément à l’accord.

Dans l’arbitrage, ICP a adopté la position selon laquelle lululemon prétendait résilier l’accord sans motif avant d’avoir le droit de le faire, et qu’ICP devrait se voir accorder des dommages-intérêts généraux totalisant le montant minimum de frais qu’il aurait reçus si l’accord avait été correctement résilié (la réclamation minimum du contrat). lululemon, pour sa part, a fait valoir que la réclamation contractuelle minimale de l’ICP devrait être rejetée parce qu’elle n’avait pas été plaidée comme il se doit.

L’arbitre a réglé la réclamation minimum de contrat en faveur de l’ICP, accordant à ICP plus d’un million de dollars en dommages-intérêts. L’arbitre a convenu que lululemon prétendait résilier l’accord sans motif pendant la durée initiale, avant d’avoir le droit de le faire.

Le juge siégeant en chambre applique la norme de la décision raisonnable en matière de déférence

À la suite de la décision de l’arbitre, lululemon a demandé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique de faire annuler la sentence au motif que la réclamation minimum du contrat dépassait la portée de la soumission à l’arbitrage. lululemon s’est appuyé sur l’article 34 de la Loi sur l’arbitrage commercial international, RSBC 1996, c 233 [ICAA], qui permet à une partie à un arbitrage international de demander au tribunal d’annuler une sentence arbitrale pour un nombre limité de motifs étroits, y compris, comme indiqué à l’article 34(2)(a)(iv), lorsque « la sentence arbitrale traite d’un différend qui n’est pas envisagé par ou ne tombe pas dans les termes de la soumission à l’arbitrage, ou il contient des décisions sur des questions qui dépassent le cadre de la soumission à l’arbitrage. » Ces motifs reflètent la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, qui a été adoptée dans la plupart des lois sur l’arbitrage commercial international au Canada.

En réponse, l’ICP a fait valoir que lululemon aurait dû soulever son objection de compétence au cours de l’arbitrage, comme l’exige l’article 16 de l’ICAA, et que, en tout état de cause, la réclamation minimum de contrat avait été soulevée à juste titre dans les actes de procédure de l’ICP, ce qui portait la question dans la compétence de l’arbitre.

Le juge siégeant en chambre était tenu de décider quelle norme de contrôle devrait s’appliquer aux demandes d’annulation d’une sentence arbitrale en vertu de l’article 34(2)(a)(iv) de l’ICAA lorsqu’il est soutenu que l’arbitre a rendu une décision au-delà de la « portée de la soumission » à l’arbitrage. Le juge siégeant en chambre a finalement conclu que la norme de contrôle de la décision raisonnable devrait s’appliquer avec la retenue, car elle était plus conforme aux objectifs importants de l’autonomie des parties et de l’ingérence judiciaire minimale dans l’arbitrage, entre autres considérations.

Appliquant cette norme de la décision raisonnable, le juge en chambre a rejeté la demande de Lululemon d’annuler la sentence.

La Cour d’appel applique à l’unanimité la norme de non-déférence de la décision correcte

lululemon a interjeté appel de la décision du juge en chambre devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Dans une décision unanime, la Cour d’appel a confirmé la décision du juge en chambre de rejeter la demande de lululemon d’annuler la sentence, mais a conclu que le juge en chambre avait appliqué la mauvaise norme de contrôle pour en arriver à cette décision. La Cour d’appel a statué que la norme de non-déférence ou le contrôle de la décision correcte était requis en vertu du sous-alinéa 34(2)a)(iv) de la LSA.

La Cour d’appel a tenu compte d’un certain nombre de facteurs pour en arriver à cette conclusion, notamment :

  • la Cour d’appel de l’Ontario a déjà statué que la norme de contrôle appropriée est la norme de contrôle appropriée pour les demandes présentées en vertu d’une disposition identique de la législation de l’Ontario;
  • l’ICCA limite expressément l’ingérence du tribunal dans les arbitrages en limitant la base sur laquelle une décision arbitrale peut être réexaminée; l’application du critère de la décision correcte ne risquerait donc pas de donner au tribunal une large marge d’intervention dans les décisions arbitrales;
  • en vertu de l’alinéa 34(2)a) de la LCEA, dans une demande d’annulation d’une sentence arbitrale, le demandeur doit « fournir la preuve » que l’un des motifs d’annulation d’une sentence a été établi, ce qui donne à penser qu’une audience de novo est nécessaire, ce qui est plus compatible avec un contrôle de la décision correcte;
  • il n’y a rien dans l’ICAA qui suggère que le déréférencement est dû à la propre opinion de l’arbitre de sa compétence;
  • la cohérence internationale est souhaitable et exigée en vertu de l’article 6 de la LICAA, et il est donc important de tenir compte du fait que les tribunaux d’autres juridictions relevant de la Loi type ont généralement adopté une norme de novo [c’est-à-dire la décision correcte] de réexamen judiciaire dans des procédures analogues; et
  • les décisions de principe de la Cour suprême du Canada établissant la norme ou le contrôle dans les décisions de droit administratif (Vavilov) et la norme de contrôle dans le cadre d’un appel d’un arbitrage commercial national (Sattva) ne s’appliquent pas aux demandes d’annulation de sentences arbitrales dans les arbitrages internaux pour des motifs de compétence.

Appliquant la norme de la décision correcte, la Cour d’appel s’est penchée sur la question de savoir si l’arbitre était saisi de la réclamation relative au minimum contractuel. Pour rendre cette décision, la Cour a noté qu’il était nécessaire d’examiner trois sources: (1) l’avis de demande d’arbitrage; 2° le contrat entre les parties; et (3) les actes de procédure échangés entre les parties.  

La Cour d’appel a statué que, même si la déclaration aurait pu énoncer plus clairement la réclamation minimale contractuelle, lululemon était suffisamment au courant de l’affaire pour être satisfaite. À ce titre, la Cour a conclu que la réclamation relative au contrat minimum était à juste titre devant l’arbitre pour trancher et n’était pas en dehors de la portée de la soumission à l’arbitrage.

Points à retenir

Avec les tribunaux de l’Ontario et de la Colombie-Britannique appliquant maintenant la norme de la décision correcte aux contestations juridictionnelles des sentences arbitrales internationales, il y a une forte probabilité que cette approche soit adoptée partout au Canada.

Pour s’assurer qu’une question relève correctement de la compétence d’un arbitrage, et pour éviter qu’une sentence arbitrale soit annulée en raison de vices de compétence, les parties à la procédure d’arbitrage devraient prendre un soin supplémentaire à rédiger leurs actes de procédure pour inclure toutes les réclamations et défenses en cause et tous les dommages-intérêts et réparations demandés.

Si, d’autre part, une partie cherche à soulever une objection de compétence, en règle générale, elle devrait le faire le plus tôt possible. Toutefois, cela ne peut pas empêcher la partie de soulever une objection de compétence dans une procédure d’annulation devant un tribunal national si la question de compétence était une question qui n’aurait pas pu être traitée pendant l’arbitrage.

La décision dans l’affaire lululemon précise également que la norme de contrôle applicable aux décisions de droit administratif et aux appels des sentences arbitrales nationales ne s’applique pas aux demandes d’annulation dans le contexte de l’arbitrage international. Cela devrait aider à dissiper une grande partie de la confusion créée à la suite de l’arrêt Vavilov.

Il sera intéressant de voir si la norme de la décision correcte dans lululemon sera étendue à d’autres motifs pour annuler les sentences arbitrales internationales.  Les praticiens de l’arbitrage international suivront sans aucun doute ce développement potentiel de près. Si vous avez des questions au sujet de cette décision et de la façon dont elle peut s’appliquer à votre entreprise, veuillez contacter le Bennett Jones Groupe d’arbitrage international et nous serions heureux d’en discuter.

Auteur(e)s

Christopher Petrucci
403.298.4489
petruccic@bennettjones.com

Artem N. Barsukov FCIArb
780.917.4266
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Evan E. Hall
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