Écrit par Francesca Taddeo et Louis-Gabriel Girard
Le 30 janvier 2025, la Cour d’appel du Québec a rendu un jugement dans l’affaire Salko c. Financière Banque Nationale inc., 2025 QCCA 74 (Salko), qui clarifie l’application de la Loi sur la protection du consommateur du Québec (LPCQ) et les principes régissant l’autorisation partielle des actions collectives au Québec.
Dans l’affaire Salko, l’appelant cherchait à exercer une action collective contre des maisons de courtage en valeurs mobilières pour la perception de frais de conversion sur les opérations en devises étrangères effectuées par les membres du groupe putatif, alléguant que les intimées avaient violé diverses dispositions du Code civil du Québec (CCQ) et de la LPCQ. Alors que le recours civil intenté par l’appelant et portant sur la réception alléguée de paiements indus par les intimées a été autorisé en vertu des articles 1491 et 1554 du CCQ, la Cour supérieure a refusé d’autoriser l’action fondée sur la LPCQ au motif que les transactions contestées étaient exclues en vertu du paragraphe 6a) de la LPCQ qui prévoit que les pratiques de commerce et les contrats concernant des opérations régies par la Loi sur les instruments dérivés et la Loi sur les valeurs mobilières (LVM) du Québec sont exclus de l’application de la LPCQ.
La Cour d’appel a précisé que les pures questions de droit peuvent (et doivent) être tranchées à l’étape de l’autorisation, qu’elle emporte ou non le sort de la demande dans son entièreté. La Cour d’appel s’est donc ralliée à la conclusion du tribunal de première instance qui a autorisé la demande de l’appelant fondée sur le CCQ mais a refusé d’autoriser la demande faite au titre de la LPCQ. Reconnaissant que les deux décisions reposaient sur les mêmes assises factuelles, la Cour d’appel a précisé qu’en évaluant si les critères requis pour l’autorisation sont satisfaits en vertu de l’article 575 du Code de procédure civile (CPC) du Québec, il convient que chaque cause d’action alléguée soit évaluée individuellement pour établir si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées (par. 575(2) du CPC), et si les questions soulevées par les parties demanderesses constituent en réalité des questions communes (par. 575(1) du CPC).
En ce qui concerne le recours fondé sur la LPCQ, l’appelant a fait valoir que le paragraphe 6a) de la LPCQ devait être interprété comme incluant uniquement les « transactions régies par » la LVM du Québec. Ainsi, la perception des frais de conversion ayant eu lieu indépendamment de l’achat et de la vente de titres ne devrait pas être considérée comme une opération sur titres. La Cour d’appel a rejeté cette interprétation des dispositions de la LPCQ. La Cour a estimé que la LPCQ s’appliquait à toutes les pratiques de commerce et à tous les contrats entre parties, et pas seulement aux opérations sur titres. La Cour a en outre affirmé que la LPCQ ne pouvait pas s’appliquer à la demande de l’appelant étant donné que la perception des frais de conversion ne pouvait pas être isolée de l’objet du contrat (c’est-à-dire les opérations d’achat et de vente de titres). Assujettir ces opérations à l’application de la LPCQ créerait ce que la Cour a qualifié de « double juridiction », ce que le législateur a clairement voulu éviter.
Regard vers l’avenir
Cette décision met en lumière l’importance de prendre en compte l’intention du législateur et le souci d’une saine gestion des ressources judiciaires et du règlement juste et équitable des litiges au stade de l’autorisation. Les parties défenderesses disposent désormais d’un cadre plus clair pour restreindre la portée des actions collectives au Québec au stade de la certification lorsque, sur une question de droit, certaines parties du fondement juridique sur lequel s’appuie une réclamation justifient manifestement un rejet de l’action. Nous nous attendons à ce que les parties défenderesses cherchent à éprouver l’application de ces principes et testent leurs limites lors de l’audition des demandes d’autorisation au cours de l’année 2025 (et au-delà).
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