Écrit par Richard Swan et Shaan Tolani
En septembre 2023, le juge en chef Morawetz de la Cour supérieure de justice et le procureur général Doug Downey ont annoncé une initiative visant à entreprendre un examen en profondeur des Règles de procédure civile de l’Ontario en vue de réduire les retards dans le système judiciaire de l’Ontario et de favoriser un meilleur accès à la justice. Le Cadre de référence de ce qui est désormais connu comme l’examen des règles en matière civile (Examen) a été établi en janvier 2024 et le groupe de travail de l’Examen a publié le Rapport de la phase un en mai 2024. Ce rapport présentait certains domaines pouvant faire l’objet d’une réforme aux fins d’une étude plus approfondie.
Le groupe de travail de l’Examen a maintenant publié un Document de consultation sur la phase 2 plus détaillé. Inspirés par les modèles de règlement des différends en place dans certains autres territoires et utilisés dans certaines procédures d’arbitrage, les changements proposés par le groupe de travail, s’ils étaient mis en œuvre, représenteraient une refonte radicale des règles de procédure de base régissant presque toutes les instances civiles en Ontario.
Le document de consultation, qui, parmi de nombreuses autres recommandations, propose d’abolir les interrogatoires oraux dans toutes les instances civiles – une caractéristique centrale du paysage des litiges civils de l’Ontario depuis 170 ans – a déclenché un débat intense au sein de la communauté juridique de l’Ontario. Bien que presque tous les intervenants du système des instances civiles de l’Ontario conviennent de la nécessité d’une réforme, les répercussions de certaines recommandations du groupe de travail ont suscité de vives inquiétudes.
Les principaux changements proposés
Le régime des instances civiles de l’Ontario est décrit dans le document de consultation (et dans le Globe and Mail) comme étant [TRADUCTION] « obscur, onéreux et plombé par les retards ». Le groupe de travail explique que la refonte fondamentale du processus des instances civiles en Ontario qu’il propose vise à en améliorer l’efficacité et l’accès, ainsi qu’à en réduire les coûts.
Nous résumons ci-dessous certaines des modifications les plus significatives proposées par le groupe de travail.
- Modèle de communication de la preuve initiale : conformément au « modèle de communication de la preuve initiale », les parties devront produire tous les documents auxquels le public n’a pas accès énoncés dans leurs actes de procédure au moment de la signification. Ils échangeront également les déclarations sous serment de tous les témoins prévus au procès, les productions et les calendriers des expertises peu après la clôture des plaidoiries. En fait, les parties devraient faire enquête et préparer leur preuve principale très tôt et possiblement à grands frais.
- Norme de divulgation fondée sur la fiabilité modifiée : la norme de divulgation passera de la divulgation fondée sur la pertinence à la divulgation fondée sur la fiabilité modifiée. Selon ce modèle, les parties produiraient tous les documents sur lesquels elles ont l’intention de s’appuyer, ainsi que les « documents qu’elles savent être défavorables à leur cause » (dont la définition est encore débattue par le groupe de travail).
- Divulgation supplémentaire : les parties obtiendraient des éléments de preuve supplémentaires au moyen de demandes de documents Redfern ciblés (souvent utilisées dans le cadre d’arbitrages), formulant des demandes précises de documents pertinents et importants, ainsi qu’un nombre limité et fixe d’interrogatoires préalables écrits.
- Élimination des interrogatoires oraux : les interrogatoires oraux seraient complètement éliminés, dans toutes les instances civiles, quelle que soit leur nature, leur complexité ou leur valeur monétaire. La seule solution de rechange serait des interrogatoires préalables écrits limités. Cela représenterait un changement énorme par rapport au modèle actuel et s’est révélé très controversé.
- Protocoles préalables à l’audition du litige : pour certains différends, notamment les actions pour préjudice corporel, les actions pour recouvrement de créances et les différends concernant la validité d’un instrument testamentaire, il y aurait un protocole préalable à l’audition du litige visant à encourager l’échange de renseignements et le règlement rapide.
- Délai de prescription prolongé : le délai de prescription de base pour toutes les instances civiles passerait de deux à trois ans.
- Traitement des instances facilité : les défendeurs devraient accepter la signification d’une instance lorsqu’elle est portée à leur attention, y compris par courriel.
- Réforme de la pratique des motions : les juges auraient le pouvoir de trancher d’autres questions de procédure lors des conférences relatives à la cause sans dossier de motion complet. Les motions officielles seraient réservées aux questions plus significatives.
- Témoignages d’experts : les tribunaux exerceraient une plus grande surveillance sur les témoignages d’experts, avec l’obligation d’avoir recours à des experts communs pour certaines questions et à des conférences d’experts.
- Ajournements limités : les ajournements ne seraient accordés que dans de rares circonstances (même sur consentement), et des sanctions potentiellement sévères seraient prévues en cas d’audience manquée.
- Quelques exceptions : il n’y aurait que peu ou pas de changement dans le régime des recours collectifs jusqu’au moment de la certification. Après la certification, les étapes du nouveau modèle proposé s’appliqueraient. Il y aurait aussi peu de changements pour les faillites et les mises sous séquestre. Ces procédures sont exclues des réformes proposées dans la mesure où les réformes sont contraires à la législation en vigueur.
Il n’y avait aucune proposition de programme pilote limité en lien avec les changements ni aucun commentaire important sur la période de transition.
Prochaines étapes
Les réformes ne sont que des propositions à ce stade-ci et elles ont suscité des discussions et des débats vigoureux dans les communautés juridiques et des affaires de la province. Il est probable que les Règles de procédure civile feront l’objet d’une réforme majeure (et bientôt), mais les changements précis de cette réforme majeure ne sont pas encore gravés dans le marbre.
Une phase de consultation officielle a lieu, au cours de laquelle tout membre du public peut faire part de ses commentaires sur le cadre proposé au groupe de travail. Comme on pouvait s’y attendre, d’après les commentaires du public, les membres des communautés juridique et des affaires ont exprimé un intérêt important (et parfois des préoccupations) à l’égard de certains des changements. La date limite pour les commentaires est le 16 juin 2025.
Étant donné l’importante réforme qui se profile à l’horizon, il est important que les entreprises fassent le point sur les changements potentiels proposés et leurs répercussions sur leurs stratégies actuelles (et potentielles) en matière de litiges.
Si vous avez des questions au sujet des modifications proposées, veuillez communiquer avec les auteurs.
Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des tendances juridiques notables et des mises à jour connexes. Elle est fournie à titre informatif seulement et ne saurait remplacer un conseil juridique personnalisé. Si vous avez besoin de conseils adaptés à votre propre situation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer vos besoins juridiques.
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