Écrit par Anu Nijhawan, Claire Kennedy and Philip Ward
La pandémie de COVID-19 a entraîné l’imposition de restrictions de voyage par les gouvernements et les entreprises. Bien que de telles restrictions soient sans aucun doute utiles pour « aplatir la courbe », elles posent, entre autres, des défis aux groupes multinationaux canadiens pour ce qui est de maintenir « l’esprit et la gestion » des filiales étrangères dans les administrations non canadiennes appropriées. L’Agence du revenu du Canada (ARC) a récemment publié des guidance sur certaines questions de résidence fiscale résultant de ces restrictions de voyage, ce qui est généralement conforme aux directives fournies par d’autres autorités fiscales dans le monde entier. Toutefois, les lignes directrices de l’ARC ne traitent pas explicitement de l’analyse de la résidence des sociétés dans la mesure où elle s’applique au mécanisme de surplus exonéré dans le régime des sociétés étrangères affiliées du Canada. Par conséquent, l’incertitude demeure. Il existe toutefois diverses stratégies d’atténuation des risques que les groupes canadiens multinationaux ayant des sociétés étrangères affiliées peuvent envisager dans ces circonstances extraordinaires.
La préoccupation : Importance de l’esprit et de la gestion dans le cadre du régime des sociétés étrangères affiliées
Bien qu’il soit très complexe dans ses détails, le régime canadien des sociétés étrangères affiliées est simple dans son cadre structurel. Les dividendes reçus par une société canadienne actionnaire d’une société étrangère affiliée sont généralement exonérés de l’impôt canadien ou admissibles à des déductions au titre de l’impôt étranger, selon que le revenu provient d’une entreprise active ou de gains passifs de la société étrangère affiliée et selon que le Canada a ou non conclu une convention fiscale bilatérale avec l’administration à laquelle le revenu est attribuable. Aux fins du présent blogue, les dividendes versés sur le revenu tiré d’une entreprise active d’une société étrangère affiliée sont généralement reçus en libre de l’impôt canadien à titre de dividendes de « surplus exonéré », à condition que la société étrangère affiliée réside dans un pays signataire d’une convention , à la fois en vertu du principe de common law de la gestion centrale et du contrôle (résidence en common law) et tel que défini dans la convention applicable (résidence en vertu d’une convention). En règle générale, une société étrangère affiliée peut établir la résidence en vertu d’un traité en vertu de sa constitution dans le territoire étranger, mais la résidence en common law exige plus de soin et d’attention. Les conventions fiscales canadiennes contiennent souvent une « règle de bris d’égalité » pour déterminer la résidence – comme le lieu de constitution, qui est utilisé dans la convention entre le Canada et les États-Unis – et, par conséquent, la résidence en vertu de la convention des sociétés étrangères affiliées peut ne pas être touchée, peu importe où l’esprit et la direction se trouvent. Toutefois, ces règles de bris d’égalité découlant des conventions ne s’appliquent pas aux fins de la résidence en common law, qui, comme il est indiqué ci-dessus, doit également être maintenue pour que les dividendes soient admissibles à titre de dividendes de surplus exonérés d’impôt en vertu du régime des sociétés étrangères affiliées.
En vertu du critère de résidence en common law, une société réside dans le territoire où se trouve sa direction et son contrôle centraux, ou « l’esprit et la gestion ». Bien que la détermination de l’esprit et de la direction dépende fortement des faits et dépende de tous les faits et circonstances pertinents, l’élément essentiel est que l’esprit et la gestion existent généralement lorsque le conseil d’administration de la société exerce ses responsabilités. Par conséquent, les administrations où se tiennent les réunions des administrateurs et où les administrateurs exercent leurs responsabilités stratégiques et de gestion à l’égard de la société sont des facteurs d’une importance particulière. Par conséquent, on prend généralement soin de s’assurer que :
- la majorité des administrateurs d’une société étrangère affiliée résident dans l’administration souhaitée;
- ces administrateurs locaux sont qualifiés et habilités à prendre des décisions d’affaires appropriées au nom de la société; et
- le conseil d’administration de la société exerce sa fonction décisionnelle lors de réunions tenues physiquement dans la juridiction appropriée avec tous les administrateurs résidant au Canada qui se déplacent pour être présents.
Toutefois, ces pratiques exemplaires pourraient ne pas être possibles à l’heure actuelle en raison des diverses restrictions de voyage liées à la COVID-19. Les conseils d’administration peuvent être forcés, dans ces conditions extraordinaires, d’abandonner leur pratique régulière des réunions en personne dans une juridiction spécifique au profit de réunions électroniques ou téléphoniques, avec la participation de certains administrateurs du Canada ou d’autres juridictions. Par ailleurs, les conseils d’administration peuvent être considérés comme ayant cessé d’exercer des fonctions centrales de gestion et de contrôle lorsque des décisions clés sont prises par des personnes agissant à partir du Canada en l’absence de réunions du conseil. Dans de telles circonstances, la question est de savoir si l’esprit et la gestion de la société étrangère affiliée peuvent être considérés, en raison de ces conditions, comme étant exercés autrement que dans le territoire déterminé prévu par la convention, ce qui risque de risquer le traitement fiscal du surplus exonéré des dividendes versés par la société étrangère affiliée.
Bien que nous discutions ici des mesures à prendre par les sociétés non canadiennes qui souhaitent s’assurer qu’elles conservent leur résidence dans la juridiction appropriée en vertu d’une convention aux fins du régime fiscal des sociétés étrangères affiliées du Canada, des questions similaires s’appliqueront aux sociétés qui souhaitent maintenir leur résidence prévue au Canada ou dans un autre territoire si les administrateurs ne sont pas en mesure de se rendre aux réunions.
Lignes directrices de l’ARC et d’autres autorités fiscales
Le 20 mai 2020, l’ARC a publié des lignes directrices sur certains problèmes fiscaux internationaux potentiels découlant de la pandémie de COVID-19, y compris la résidence de sociétés non canadiennes. Ces directives s’appliquent initialement du 16 mars au 29 juin 2020, date à laquelle l’ARC déterminera si une prolongation de la période d’applicabilité est justifiée. En réponse à la question de savoir si l’Agence considérerait que la gestion et le contrôle centraux d’une société se trouvent au Canada si les administrateurs de cette société participent aux réunions du conseil d’administration pendant qu’ils sont au Canada, l’ARC a répondu ce qui suit :
- Lorsque la société est assujettie à une convention fiscale qui contient une règle de bris d’égalité en matière de résidence d’une société qui détermine qu’une société réside dans le pays en vertu duquel elle a été créée en vertu des lois de laquelle elle a été créée, ces règles traiteront généralement des questions de résidence;
- Lorsque la société est assujettie à une convention fiscale qui contient une règle de bris d’égalité en matière de résidence d’une société qui tient compte du siège de gestion efficace de la société, l’ARC ne considérera pas que la société réside au Canada uniquement parce que les administrateurs participent à une réunion du conseil d’administration du Canada en raison des restrictions de voyage découlant de la COVID-19; et
- Lorsque la société n’est pas assujettie à une convention fiscale, les déterminations de la résidence des sociétés seront prises au cas par cas.
Les directives de l’ARC sont conformes à celles offertes par le Organisation pour la coopération et le développement économiques, qui, bien qu’il ne commente pas le droit national de chaque pays, a déclaré que les perturbations extraordinaires et temporaires causées par la COVID-19 ne devraient pas affecter la résidence des sociétés en vertu des règles des conventions fiscales internationales, en particulier à la lumière des règles de bris d’égalité des conventions qui mettent l’accent sur le lieu ordinaire et habituel d’une gestion efficace.
Il convient toutefois de noter que les lignes directrices de l’ARC ne traitent pas des déterminations de la résidence des sociétés dans le cadre du régime des sociétés étrangères affiliées; il s’ensuit que ces déterminations seront faites au cas par cas. Malgré cela, les lignes directrices de l’ARC indiquent que les circonstances extraordinaires de la pandémie de COVID-19 devraient être prises en compte dans les déterminations de la résidence des entreprises, et signale une intention de l’Agence d’agir de manière pragmatique pour faire face à ces circonstances sans précédent.
Des conseils utiles peuvent également être tirés des positions prises par d’autres autorités fiscales internationales, en particulier dans la mesure où ces juridictions fondent la résidence des sociétés sur la gestion et le contrôle centraux. Par exemple, à l’instar de l’approche adoptée par l’ARC, le UK Inland Revenue a également publié guidance qui est sympathique dans le ton à la perturbation à laquelle sont confrontés les contribuables, qui souligne la flexibilité de la loi existante et note que les autorités fiscales américaines « ne considèrent pas qu’une société deviendra nécessairement résidente au Royaume-Uni parce que quelques-uns les réunions du conseil d’administration ont lieu [au Royaume-Uni] ou parce que certaines décisions sont prises au Royaume-Uni sur une courte période de temps »... Les autorités fiscales britanniques n’ont toutefois pas émis de concession générale ou d’autres directives définitives, préférant s’appuyer sur la flexibilité de la législation et des orientations existantes.
L’approche de l’Australian Taxation Office est également digne de mention. Conformément à sa publication récente guidance, si la seule raison de tenir des réunions du conseil d’administration en Australie, ou les administrateurs assistant aux réunions du conseil d’administration de l’Australie, est en raison de l’impact de COVID-19, alors les autorités fiscales australiennes n’appliqueront pas de ressources de conformité pour déterminer si la direction centrale de la société et le contrôle se fait en Australie. Cela offre des conseils pratiques – lorsque la seule raison pour laquelle les administrateurs d’une société étrangère affiliée participent à une réunion du conseil d’administration pendant qu’il est au Canada est attribuable aux restrictions de voyage liées à la COVID-19, c’est peut-être que l’ARC ne poursuivra pas, d’un point de vue pratique, l’affaire, bien que l’ARC ne soit pas allée jusqu’à fournir un tel confort.
Atténuation de la préoccupation
Dans l’application du concept de common law de l’esprit et de la gestion, il est important que le modèle de prise de décisions sur la durée de vie de la société démontre que les décisions sont prises dans l’administration étrangère appropriée. Bien que la question de savoir où l’esprit et la gestion sont exercés dépendra dans chaque cas des faits et des circonstances particuliers, les risques sont susceptibles d’être exacerbés plus la pandémie de COVID-19 continue de perturber les pratiques ordinaires.
Il existe toutefois plusieurs mesures que les sociétés étrangères affiliées et leurs actionnaires canadiens pourraient envisager pour atténuer ces risques. Par exemple:
- Reporter les réunions du conseil d’administration ou les décisions stratégiques importantes : Dans la mesure du possible, les sociétés étrangères affiliées peuvent souhaiter reporter les réunions du conseil d’administration jusqu’à ce que les pratiques normales puissent reprendre. Cela peut ne pas être possible dans de nombreuses circonstances pour des raisons commerciales ou réglementaires, en particulier lorsqu’il n’est pas clair combien de temps les restrictions actuelles dureront, mais cela peut être réalisable lorsque les réunions prévues du conseil d’administration doivent couvrir les affaires courantes. Même si une réunion ne peut pas être reportée, il peut être possible de reporter les décisions stratégiques importantes à des réunions ultérieures qui peuvent avoir lieu en personne.
- S’assurer que la majorité votante du conseil d’administration participe de la juridiction appropriée : Les groupes multinationaux devraient examiner attentivement toutes les mesures de protection disponibles pour s’assurer que, malgré les restrictions de voyage, les décisions clés sont prises par une majorité de membres du conseil qui sont physiquement présents dans la juridiction appropriée. Par exemple, les sociétés étrangères affiliées pourraient envisager de modifier la composition du conseil d’administration, par exemple en nommant d’autres administrateurs résidant dans l’administration appropriée. Si des candidats locaux qualifiés ne sont pas disponibles, on pourrait également envisager des changements dans les modalités de vote de sorte que les personnes au Canada participent aux réunions du conseil d’administration, mais seulement en tant qu’observateurs sans droit de vote. Les pouvoirs décisionnels pourraient également être délégués par les administrateurs canadiens aux administrateurs locaux. Le risque d’une détermination défavorable de la résidence sera clairement plus faible lorsque les administrateurs canadiens sont minoritaires et que leur influence n’est pas disproportionnée par rapport à celle des autres administrateurs. La question de savoir si l’une ou l’autre de ces mesures est possible dans un cas particulier dépendra du droit des sociétés applicable et des documents constitutifs de la société étrangère affiliée donnée, et il faudra peut-être envisager d’apporter des modifications aux documents constitutifs.
- Évaluer l’influence des administrateurs canadiens : Lorsque les administrateurs canadiens participent à une réunion du conseil d’administration par voie électronique ou par téléphone, leur expertise et leur influence par rapport aux administrateurs locaux devraient être évaluées et prendre soin de s’assurer que les décisions sont, et sont perçues comme le sont, prises par une majorité du conseil d’administration, sans compter les Canadiens. Dans la mesure du possible, les sociétés peuvent vouloir s’assurer que le président de l’assemblée est un non-Canadien et que les exigences de quorum sont satisfaites indépendamment de la présence de tout résident canadien. On pourrait également envisager de faire en sorte que les administrateurs présents au Canada s’abstiennent de voter sur les décisions importantes prises lors d’une réunion du conseil d’administration, à condition que le droit des sociétés pertinent et les documents de concordance de la société le permettent.
- Gérer et enregistrer la participation à la vidéoconférence ou à la téléconférence : Si les administrateurs au Canada participent aux réunions du conseil d’administration par vidéoconférence ou téléconférence, leur participation par de tels moyens devrait être enregistrée, et toute vidéo ou téléconférence devrait, dans la mesure du possible, être initiée et hébergée par des participants de l’administration étrangère. De telles preuves seront utiles si jamais il y a une enquête sur la résidence des entreprises. Il convient également de noter que les documents constats de certaines sociétés étrangères affiliées peuvent dicter des exigences pour les réunions du conseil d’administration qui peuvent être plutôt rigides, comme l’exigence que toutes les réunions du conseil d’administration se tiennent en personne à l’extérieur du Canada. Si les documents constating d’une société contiennent de telles restrictions, il peut être nécessaire d’évaluer si des modifications devraient être apportées.
- Documenter les circonstances extraordinaires : Nous recommandons que les sociétés étrangères affiliées documentent clairement les perturbations liées à la COVID. Par exemple, le fait d’enregistrer dans les procès-verbaux des réunions que les membres du conseil n’étaient pas autorisés à voyager et, par conséquent, qu’ils y participaient par téléconférence peut aider à établir la nature extraordinaire et temporaire de l’écart par rapport à la pratique normale.
Conclusions
L’emplacement de la gestion centrale et du contrôle d’une société non canadienne est déterminé au cas par cas en tenant compte des faits et des circonstances de la société sur une période donnée. Par conséquent, nous ne nous attendrions pas à ce que des changements temporaires dans la pratique entraînent généralement un changement de résidence, mais cette position est incertaine alors que les restrictions de voyage liées à la COVID-19 se poursuivent. La pertinence et la nécessité de l’une ou l’autre des mesures susmentionnées varieront sans aucun doute selon les circonstances, mais les sociétés étrangères affiliées devraient garder à l’esprit l’importance de maintenir l’esprit et la gestion dans la juridiction appropriée à l’extérieur du Canada en ces temps difficiles. Dans tous les cas, les groupes multinationaux canadiens devraient envisager leurs prochaines étapes avec leurs conseillers pour les aider à résoudre les problèmes potentiels de résidence fiscale.
Bennett Jones Tax and Les groupes de politique publique continuent de travailler avec les employeurs, le gouvernement et d’autres organisations nationales et locales pour résoudre ces problèmes, et seraient heureux de vous aider à identifier et à mettre en œuvre des stratégies en relation avec ces questions ou des questions similaires. De plus, veuillez visiter notre COVID-19 Resource Centre pour d’autres documents liés à covid-19.
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