Écrit par Jessica Horwitz, Sabrina A. Bandali, Sharon Singh, Laurie Wright and Ethan Gordon
Après plusieurs efforts bloqués ces dernières années (voir les précédents articles de blog de Bennett Jones sur Bill C-423 et Bill S-216), le Parlement est sur le point d’adopter une loi sur la transparence de la chaîne d’approvisionnement visant à prévenir et à réduire le risque de travail forcé et de travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Le projet de loi d’initiative parlementaire S-211, « Une loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes », devrait passer l’article de la troisième lecture à la Chambre des communes sous peu et aura des répercussions immédiates sur les entreprises et les importateurs canadiens.
Le projet de loi S-211 propose d’introduire un régime de déclaration publique qui obligera de nombreuses institutions gouvernementales et entités du secteur privé à soumettre un rapport annuel public expliquant les mesures qu’elles ont prises au cours de l’exercice précédent pour prévenir et réduire le risque que le travail forcé et le travail des enfants soient utilisés à n’importe quelle étape de la la production de marchandises au Canada ou ailleurs par l’entité ou de marchandises importées au Canada par l’entité. Les rapports des entités du secteur privé seraient déposés auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile au plus tard le 31 mai de chaque année. Cela signifie que si le projet de loi est adopté et reçoit la sanction royale en 2023, les premiers rapports attendus en mai 2024 doivent traiter des mesures que les institutions et les entreprises du gouvernement prennent au cours du présent exercice pour faire face à ces risques.
L’adoption du projet de loi S-211 créerait un autre impératif de conformité sous la forme d’un examen minutieux par le public et les intervenants des antécédents en matière de travail forcé des institutions gouvernementales canadiennes et des entreprises du secteur privé afin d’améliorer leur diligence raisonnable et d’identifier et d’éliminer de manière proactive le travail forcé dans ses chaînes d’approvisionnement. L’idée est qu’au fil du temps, cette attention accrue en matière d’observation découragera les fournisseurs en amont de se livrer à de telles pratiques s’ils veulent continuer à fournir des biens au marché canadien.
Qui aura des obligations de déclaration?
Les entités déclarantes comprennent toutes les institutions et tous les ministères fédéraux du Canada, les sociétés d’État et leurs filiales en propriété exclusive, ainsi que toute autre « entité » du secteur privé qui est :
- la production, la vente ou la distribution de biens au Canada ou ailleurs;
- l’importation au Canada de marchandises produites à l’étranger; ou
- contrôler une entité se livrant à une activité décrite aux alinéas a) ou b), le contrôle étant défini de façon générale comme tout contrôle direct ou indirect ou tout contrôle commun « de quelque manière que ce soit ».
Une « entité » est définie comme une société ou une fiducie, une société de personnes ou une autre organisation non constituée en personne morale qui :
- est cotée en bourse au Canada;
- a un lieu d’affaires au Canada, fait des affaires au Canada ou possède des actifs au Canada et qui, selon ses états financiers consolidés, satisfait à au moins deux des conditions suivantes pour au moins un de ses deux exercices financiers les plus récents :
- elle a un actif d’au moins 20 millions de dollars canadiens;
- il a généré des revenus d’au moins 40 millions de dollars canadiens;
- elle emploie en moyenne au moins 250 personnes;
- est par ailleurs prescrit par règlement, qui n’a pas encore été adopté.
Sous réserve d’autres règlements ou directives que le gouvernement peut publier une fois le projet de loi adopté, le contrôle d’une « entité » canadienne qui atteint ces seuils pourrait déclencher une obligation de déclaration pour les non-résidents. Un groupe de sociétés qui compte plusieurs entités ayant une obligation de déclaration peut déposer un seul rapport conjoint au nom du groupe. Une définition similaire du terme « entité » figure dans la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif, qui peut fournir des indications utiles sur le champ d’application des entités visées.
Le fait que le projet de loi S-211 étende également les exigences en matière de rapports aux institutions fédérales en plus des entités du secteur privé constitue un changement notable par rapport au projet de loi précédent. Aux fins de l’établissement de rapports, une « institution fédérale » comprend tout ministère ou ministère d’État fédéral du Canada, ou tout organisme ou bureau énuméré à l’annexe I de la Loi sur l’accès à l’information, ainsi que toute société d’État mère ou filiale en propriété exclusive d’une telle société au sens de l’article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Quels renseignements doivent être déclarés?
Les rapports annuels du secteur privé, qui doivent être approuvés par l’organe directeur de l’entité déclarante (conseil d’administration ou semblable), doivent comprendre les renseignements suivants à l’égard de chaque entité visée par le rapport :
- la structure, les activités et les chaînes d’approvisionnement de l’entité;
- ses politiques et ses processus de diligence raisonnable en matière de travail forcé et de travail des enfants;
- les parties de son entreprise et de ses chaînes d’approvisionnement qui comportent un risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants et les mesures qu’elle a prises pour évaluer et gérer ce risque;
- toute mesure prise pour remédier au travail forcé ou au travail des enfants;
- toute mesure prise pour remédier à la perte de revenus des familles les plus vulnérables résultant de toute mesure prise pour éliminer le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans ses activités et ses chaînes d’approvisionnement;
- la formation dispensée aux employés sur le travail forcé et le travail des enfants; et
- la façon dont l’entité évalue son efficacité à s’assurer que le travail forcé et le travail des enfants ne sont pas utilisés dans ses entreprises et ses chaînes d’approvisionnement.
Les obligations de déclaration des institutions fédérales comprennent des exigences semblables en matière de contenu.
Le projet de loi ne prescrit pas les mesures spécifiques qu’une entreprise doit prendre pour remédier au travail forcé ou au travail des enfants dans ses chaînes d’approvisionnement. On peut présumer que les entités déclarantes conserveront leur pouvoir discrétionnaire quant à la conception et à la mise en œuvre de systèmes de conformité appropriés à leurs activités. Toutefois, il est possible que le gouvernement canadien élabore des directives plus détaillées concernant les attentes en matière de diligence raisonnable en matière de normes minimales, ou introduise des exigences juridiques plus précises au moyen d’un règlement, après l’entrée en vigueur du projet de loi.
Quand les exigences en matière de rapports entreront-elles en vigueur?
Le projet de loi prévoit que la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement entrera en vigueur le 1er janvier de l’année suivant l’année au cours de laquelle elle recevra la sanction royale. Cela signifie que si la loi reçoit la sanction royale en 2023, elle entrera en vigueur le 1er janvier 2024 et la date limite de déclaration pour les entités déclarantes sera le 31 mai 2024.
Le projet de loi S-211 a été adopté par le Sénat le 28 avril 2022 et a franchi les première et deuxième lectures à la Chambre des communes, parrainé par le député libéral John McKay, qui a déjà présenté un projet de loi similaire en 2018. Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international terminé son examen le 30 novembre 2022, sans recommander aucune modification. Ensuite, le projet de loi passera à l’étape du rapport et à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes et, s’il est adopté, il recevra la sanction royale pour devenir loi.
La Chambre s’est de nouveau réuni après les vacances de Noël, le lundi 30 janvier 2023. Étant donné que le projet de loi S-211 est actuellement inscrit à l’ordre de préséance des affaires émanant des députés, il faudra probablement plusieurs semaines avant que la Chambre n’examine le rapport du comité et passe à l’étape de la troisième lecture du projet de loi. Cependant, le projet de loi bénéficie d’un large appui parmi les députés du gouvernement et de l’opposition et, par conséquent, devrait être adopté au cours du premier trimestre de 2023.
Cela donnera au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile environ un an pour mettre en place le registre des rapports publics en ligne, établir la forme et le mode de déclaration, et publier des lignes directrices pour les entreprises en prévision de la première date limite de déclaration du 31 mai.
Autres éléments du projet de loi S-211
En plus de l’obligation de rendre compte publiquement, le projet de loi S-211 comprend également un certain nombre d’autres modifications visant à clarifier et à élargir la portée des lois existantes sur le travail forcé :
- Il étend l’interdiction d’importer en vertu du Tarif des douanes du Canada aux marchandises qui sont « extraites, fabriquées ou produites en tout ou en partie » avec du « travail des enfants » en plus des marchandises produites avec du « travail forcé » et du « travail en prison » qui sont déjà interdites.
- Il codifie une définition canadienne du « travail des enfants » et du « travail forcé », en adoptant les définitions de l’article 3 de la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’article 2 de la Convention de l’OIT sur le travail forcé, 1930, respectivement.
- Il introduit une définition de « production de biens » qui signifie « la fabrication, la culture, l’extraction et la transformation de marchandises ».
- Il confère de nouveaux pouvoirs d’application de la loi au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, y compris des pouvoirs de fouille, d’inspection et de saisie de documents et d’éléments de preuve.
- Il est important de noter que le projet de loi S-211 crée également une responsabilité personnelle pour les administrateurs et les dirigeants, entre autres, qui dirigent, autorisent, sanctionnent, acquiescent ou participent à une infraction à la loi proposée.
Le « travail des enfants » est défini comme le travail ou les services fournis ou offerts pour être fournis par des personnes de moins de 18 ans et qui:
- sont fournis ou offerts pour être fournis au Canada dans des circonstances qui sont contraires aux lois applicables au Canada;
- sont fournis ou offerts pour être fournis dans des circonstances qui sont mentalement, physiquement, socialement ou moralement dangereuses pour eux;
- entraver leur scolarité en les privant de la possibilité d’aller à l’école, en les obligeant à quitter l’école prématurément ou en les obligeant à tenter de combiner la fréquentation scolaire avec un travail excessivement long et lourd; ou
- constituent les pires formes de travail des enfants telles que définies à l’article 3 de la Convention de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
Le « travail forcé » est défini comme un travail ou un service fourni ou offert pour être fourni par une personne dans des circonstances qui :
- on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle fasse croire à la personne que sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît serait menacée si elle ne fournissait pas ou n’offrait pas de fournir la main-d’œuvre ou le service; ou
- constituent du travail forcé ou obligatoire au sens de l’article 2 de la Convention de l’OIT sur le travail forcé, 1930.
Les entités ou les personnes qui ne se conforment pas aux obligations en vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement ou qui font des déclarations fausses ou trompeuses, ou qui fournissent des renseignements faux ou trompeurs au ministre (p. ex., dans un rapport annuel) seront passibles d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire avec des amendes allant jusqu’à 250 000 $.
Conclusion
La transparence de la chaîne d’approvisionnement devrait être un élément essentiel du cadre ESG de toute entreprise. Les entreprises devraient veiller à ce que les structures de gouvernance appropriées soient en place pour identifier et atténuer les risques, y compris en ce qui concerne le travail forcé et le travail des enfants. Les entreprises qui atteignent les seuils de l’entité déclarante décrits ci-dessus devraient revoir leurs pratiques de diligence raisonnable et de surveillance de la chaîne d’approvisionnement dès maintenant, en prévision des exigences de déclaration qui devraient commencer en mai 2024. Il existe une variété de stratégies pratiques que les entreprises peuvent prendre pour prévenir et atténuer le risque de travail forcé et de travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement contacter un membre du Bennett Jones International Trade & Investment ou ESG des groupes de pratique pour discuter des méthodes de mise en œuvre de mesures de gouvernance solides et de stratégies d’atténuation des risques pour prévenir et combattre le travail forcé et le travail des enfants dans vos chaînes d’approvisionnement.
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